L'après Weinstein au delà des logiques binaires

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Ancien membre
06/03/2018 à 23:06

Bonsoir, Je vous propose ici de regarder une émission, La Grande Librairie, que je considère d'utilité publique. Les invités que choisit François Busnel sont toujours d'une très grande qualité et nous aident à porter un autre regard sur les événements du monde en les faisant apparaître dans toute leur complexité. Dans cette émission il est question de l'après Weinstein. Elisabeth Badinter, Fatiha Agag-Boudjahlat, Belinda Cannone et Georges Vigarello nous aident à comprendre ce qu'il s'est passé et surtout, et c'est pour cela que je post ce sujet sur ce forum, on peut en retirer quelques petits conseils que je trouve essentiels pour dépassionner les débats et aborder toutes les questions qui en découlent de manière plus sereine. Cela passe de la nécessité de ne pas essentialiser ce qu'est un homme ou une femme, de ne pas s'enfermer dans une identité pour pouvoir s'imaginer, l'importance de ce qu'est le désir dans une relation et que la femme doit en être actrice, la perte du sens de certains mots etc. Cette émission est longue mais j'espère que vous regarderez, elle ne sera disponible que quelques jours encore :)
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Ancien membre
07/03/2018 à 13:23

D'abord, en te lisant, Lindos, j'ai acquiescé. Globalement, j'étais d'accord. Ensuite, je t'ai relu car quelques choses me chipotaient. Puis j'ai compris ce qui me dérangeait. Ton premier point ne tient pas à l'épreuve du réel : il ne s'agit pas d'une "minorité d'individus très actifs qui font du volume, majoritairement des hommes, ayant souvent autorité, abus qui se sont notoirement développés plus fréquemment dans certains métiers où la féminité et la jeunesse sont valorisés" car les abus (dont les viols) sont quotidiens, beaucoup trop nombreux, que les chiffres que l’État peut donner en s'appuyant sur ce que la police peut fournir ne donne image que de la partie saillante du phénomène (et que la part invisible, comme pour un iceberg, est bien plus conséquente) : la situation est donc généralisée. Aussi, il est à noter que beaucoup d'études sur la question mentionnent qu'il n'y a pas tant de disparité au niveau socio-économique par rapport à la probabilité et, surtout, la majorité s'accorde sur l'idée que, contrairement à l'idée véhiculée majoritairement, l'endroit où la femme est le plus en danger, ça n'est pas dehors mais à la maison : les viols, par exemple, sont essentiellement commis par des personnes connues de la victime, bien souvent leurs compagnons, tout comme les violences domestiques tant physiques que psychologiques. Dès lors, il ne s'agit pas d'une minorité, ce que les chiffres incroyables des agressions sexuelles en France, en Belgique et dans le monde viennent appuyer. Cette image du riche homme blanc et grisonnant qui chipote sa petite assistante de 40 ans sa cadette est un stéréotype qui a repris du brillant depuis l'affaire Weinstein... Mais, aussi perturbant que cela puisse paraitre, statistiquement, ce à quoi ressemble les violeurs, c'est simplement aux hommes lambdas. Ensuite, sur le deuxième point, on partage, là, un même point de vue. Contrairement à ce qu'Elisabeth Badinter dit, dans l'émission proposée par Urukan, j'estime que dénoncer, quand tort nous a été fait, s'inscrit dans l'équilibre lésion/réparation sur lequel se fonde la justice. Plus le temps passe et moins je m'entends, globalement, avec le féminisme de Badinter... Mais là encore, je ne vois pas où est l'"élégance" (pour reprendre le terme qu'elle emploie afin de caractériser la démarche de suédoises ayant invités des femmes à balancer leurs porcs sans les nommer) dans le fait de protéger ceux qui se sont autorisés à nous poignarder, de la sanction que la justice prévoit pour le méfait qu'ils ont commis en âme et conscience. Vraiment, d'élégance, je ne vois pas. La seule raison valable qui justifie ce silence, à mon sens, est simplement la protection de ces femmes d'une éventuelle procédure judiciaire pour calomnie que les agresseurs pourraient lancer à leur encontre pour les avoir nommer. C'est tout. Puis, sur le troisième point, je ne vois pas bien où tu veux en venir... Mais je réagirais sur la pauvreté. Je trouve ça drôle, intellectuellement, de considérer que la pauvreté favorise la violence. Parce que la pauvreté est une violence elle-même. C'est une violence qui est générée, infligée par un système, une "vie civilisée" comme disait Thomas Paine dans "La Justice Agraire". Un système dans lequel ces "pauvres" n'ont pas voix au chapitre. Alors, est-ce qu'elle génère plus de violence ? C'est possible. Cependant, je ne suis pas persuadée qu'elle en génère plus que dans les hautes strates de notre système. Je crois qu'elles sont justes différentes, plus visibles, plus médiatisées. Et, enfin, absolument rien à voir, mais cette Julie Gayet, en début d'émission : qu'est-ce qu'elle est charmante...
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Ancien membre
07/03/2018 à 18:38

Je ne doute pas qu'une proportion significative des gens les plus vulnérables aient été victimes d'abus passant inaperçus, et que plus on descend vers les pays pauvres (ou les riches sont puissants) plus c'est fréquent. Mais je doute qu'une proportion significative des gens en aient commis, en tout cas de graves, ou ne résultant pas d'une erreur de jeunesse par manque d'éducation et encadrement ou effet de meute (les enfants et ados font des grosses conneries sans en avoir appris les conséquences). Dans le cas contraire on serait en présence d'habitudes culturelles, tous les hommes seraient susceptibles d'etre enfermés en prison, or ce n'est pas le cas. Et les femmes sont encore plus rarement abusives, bien que cela existe et soit méconnu. Par contre la France était clairement un pays de séduction, même si on pouvait trouver mieux comme en Italie. Les touristes le fantasment encore en répétant "France is so romantic !" alors que les français deviennent plus distants quand ils n'ont pas bu. Il y a d'ailleurs un risque d'accentuation de cette distanciation avec les futures lois contre le harcellement sexiste, qui visent clairement les habitudes méditerranéennes masculines de provoquer systématiquement les filles tout en attendant d'elles qu'elles soient exemplaires : "toutes des sal***** sauf ma mère et ma soeur", ou encore, "comment les déflorer avant mariage tout en mariant une vierge", qui est un peu la quadrature du cercle. Au lycée, pendant les études ou au travail, les grands séducteurs et ceux qui ont la réputation d'avoir couché avec toutes les filles sont toujours un peu les mêmes. Les gens qui ont la réputation sulfureuse d'être lourds aussi, les supérieurs abusifs se révèlent être toujours un peu les mêmes. En général les gens savent généralement se tenir, et si on les dissuade de draguer ils se méfieront comme aux US et ne le feront plus en public. Par contre les pervers resteront pervers, et minoritaires. Concernant le troisième point je pense qu'il y a pas que l'axe qui va des féministes aux femmes qui s'accomodent des machos, il y a aussi des femmes capables de souffrir et se sacrifier pour une cause.
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Ancien membre
08/03/2018 à 03:16

Tabasko, Elisabeth Badinter exprimait une certaine réserve sur les mots "balancer" et "dénoncer" et cela peut se comprendre car elle vient d'une génération qui sait encore ce qu'a provoqué la délation pendant la guerre etc. Je pourrais aussi parler d'une différence générationnelle au point de vue du rapport à l'autorité. La génération de nos parent, par exemple, était beaucoup plus émancipée que nous ne le sommes. A l'école ils s'en remettaient pas directement aux professeurs pour résoudre les conflits, ils les résolvaient entre eux, avec les poings souvent. Les enfants de notre génération ont été beaucoup plus choyés par leurs parents et il en résulte que nous nous en remettons beaucoup plus vite aux figures d'autorité. Même chose au travail, la génération nos parents en cas de conflits sur le lieu de travail s'en remettait beaucoup moins au supérieur hiérarchique que notre génération. (je précise que je ne dis pas tout ça en l'air, c'est étayé par des études) Je vais essayer d'éviter d'être dans la digression mais cela a une implication sur beaucoup de choses comme une plus faibles tolérance de notre génération aux choses qui nous mettent dans une situation d'inconfort et dans notre cas ici présent, d'avoir moins de complexes à dénoncer ou balancer. Pour en revenir à nos moutons, oui madame Elisabeth badinter a des réserves sur les mots "dénoncer et "balancer" et je le comprends tout à fait, en fait instinctivement j'ai eu les mêmes réserves, mais elle dit que c'est formidable et qu'il est très important que les femmes témoignent de ce qui leur était arriver. Elle parle de l'effet libérateur de pouvoir raconter un traumatisme qui nous est arrivé et que la succession des témoignages a rendu possible la libération de la parole pour d'autres femmes. Elle dit aussi que la honte doit changer de camp. Elle a souligné l'élégance des suédoises, parce qu'elles n'ont pas donné de noms car cela témoignait d'un respect de la démocratie et de la justice. Je suis aussi d'accord avec elle. Les tribunaux populaires sont des mauvais tribunaux. Je vais même rajouter que j'y vois un effet de la tribalisation de nos sociétés (chez nous en Belgique Proximus a même fait des pubs parlant de tribus et le marketing s'appuie souvent sur les tendances et réalités d'une société). Et je pense que les réseaux sociaux ont joué un rôle dans cette tribalisation. (pour Julie Gayet oui sa voix est trop belle) Tabasko et Lindos, Sur la question de la proportion des harcèlements... Tabasko vit à Bruxelles et pas plus tard qu'avant-hier j'ai entendu à la radio qu'à Bruxelles 9 femmes sur 10 avaient déjà subi un harcèlement dans la rue... Cette proportion est beaucoup moindre pour le reste de la Belgique, on peut essayer de se rassurer sur ça. Aussi dans le cadre d'un reportage sur le harcèlement dans les métros j'ai entendu que 3 pourcents des hommes (de mémoire) ont été au cours de leur vie des harceleurs et il faut entendre cette particularité c'est qu'un harceleur est très souvent un récidiviste... Encore pour Tabasko et Lindos :), Vous avez parlé de pauvreté et de violence. En fait ce n'est pas la pauvreté ni même la richesse qui crée la violence, ce sont les inégalités perçues. (il y a une étude sur ce sujet aussi) Plus, dans une ville, les riches sont très riches et les pauvres très pauvres, plus il y a de violence.
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Ancien membre
08/03/2018 à 08:27

Citation de Urukan
Sur la question de la proportion des harcèlements... Tabasko vit à Bruxelles et pas plus tard qu avant-hier j ai entendu à la radio qu à Bruxelles 9 femmes sur 10 avaient déjà subi un harcèlement dans la rue... Cette proportion est beaucoup moindre pour le reste de la Belgique, on peut essayer de se rassurer sur ça. [...] Vous avez parlé de pauvreté et de violence. En fait ce n est pas la pauvreté ni même la richesse qui crée la violence, ce sont les inégalités perçues. (il y a une étude sur ce sujet aussi) Plus, dans une ville, les riches sont très riches et les pauvres très pauvres, plus il y a de violence.
C'est aussi pas mal lié à la densité de population. Tu as plus de chance de te faire frotter dans le bus si celui-ci est bondé (et donc que le harceleur se sert de cette excuse pour te coller) que si vous êtes deux dedans. Aussi parce que, statistiquement, il y a plus de chances qu'il y ait un harceleur parmi 30 personnes que parmi une seule.
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Ancien membre
08/03/2018 à 09:07

Urukan, "Vous avez parlé de pauvreté et de violence. En fait ce n'est pas la pauvreté ni même la richesse qui crée la violence, ce sont les inégalités perçues." En effet les riches et puissants ne vont pas se frotter aux filles dans les transports en communs, qui est une sexualité "cheap", de frustration, assez typiquement masculine. Les filles ont plus tendance à se faire belles pour se rendre désirables, sous réserve de se sentir en sécurité (l'objet du débat actuel). Il est d'ailleurs curieux que chez de nombreuses espèces animale c'est au contraire le mâle qui doit se faire beau pour séduire les femelles, contrairement à nos cousins les grands primates dont nous sommes proches. Les riches dans les pays pauvres accèdent à la sexualité des pauvres - généralement des jeunes - grâce au pouvoir de l'argent ou de la notoriété. C'était encore un peu le cas chez nous au XX siècle, ces dossiers sortent maintenant et sont jugés à l'aulne de la morale d'aujourd'hui. Avec le bémol que dans les pays pauvre il y a une "normalité" de devoir coucher pour survivre, avec moins de notion de morale hors virginité, alors que chez nous on perçoit que ce sont souvent des pervers narcissiques qui séduisaient leurs victimes en leurs donnant le sentiment qu'ils voulaient leur bien, introduisant une notion de morale (dévoyée). Ce n'est pas par hasard que des religieux se retrouvent dans le collimateur puisque leur pouvoir résulte de leur ascendant moral. J'ajoute qu'il existe aussi des abus perpétrés par des femmes sur des hommes encore peu ou prou immatures, notamment parce que les garçons ont déjà des attributs masculins (de taille réduite), et parce que les filles terminent leur puberté avant les gars (qui pose plus de problèmes pour les jeunes LGBTI que pour les futurs hétéros). Ces abus ne semblent pas très fréquents, en tout cas moins fréquent que l'inverse, mais sont tabous et cachés sous le tapis. Je sais de quoi je parle pour en avoir fait personnellement l'expérience quand j'étais jeune garçon, mais avec la différence qu'étant masculin je ne l'ai pas vécu comme une agression intrusive et humiliante, juste dégoutante.
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