SOS Homophobie décortique la lesbophobie

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09/03/2015 à 23:38

C’est un projet de longue haleine qu’a mené l’association SOS Homophobie. À travers une enquête commencée en 2013, l’association analyse et passe au crible les témoignages de 7 126 femmes lesbiennes ou bisexuelles.

Après avoir arpenté la France entière à la recherche de témoignages, ce qui a permis d’avoir un panel composé à 60% de femmes résident hors Île-de-France, SOS Homophobie met en exergue les difficultés auxquelles sont confrontées les homosexuelles mais aussi les bisexuelles, souvent oubliées tant par la communauté que par les enquêtes.

Visibilité, conditions de vie dans l’espace public, représentation sur internet, violences, contextes familiaux, les objets étudiés sont divers et variés et contribuent à renforcer l’objectivité des chiffres avancés.

L’espace public, zone de danger

Selon l’infographie de l'inter-LGBT, encore 50 pays sur les 193 recensés à l’ONU considèrent encore les relations lesbiennes illégales. Pourtant, si la situation française demeure bien meilleure, la lesbophobie fait encore rage et 59% des femmes ayant répondu à l’enquête d’SOS Homophobie affirment en avoir été victimes.

Les conséquences sont nombreuses, la première étant la crainte de l’espace public. Les manifestations d’affection en public sont rares et seules 25% des interrogées déclarent se tenir la main peu importe le contexte. Et pour cause, dans l’espace public, ce sont bien souvent des groupes d’hommes qui prennent à parti les victimes. Insultes et moqueries sont les actes les plus courants, mais cela peut aller bien plus loin, certaines des interrogées témoignant même d’agressions sexuelles ayant pour principal motif leur homosexualité.

SOS Homophobie décortique la lesbophobie

Extrait du rapport

Cependant, celles qui ont accepté de témoigner sont bien loin d’être une majorité de celles qui sont victimes de lesbophobie. C’est d’ailleurs l’un des résultats les plus surprenants de l’enquête. Tania Lejbowicz, co-référente de la commission chargée de la lesbophobie à SOS Homophobie, contactée par Konbini, confirme :

Les actes lesbophobes sont certainement minimisés par les lesbiennes. En effet, une des activités de la commission lesbophobie de SOS homophobie est de sensibiliser à la lesbophobie en allant à la rencontre de lesbiennes pendant des soirées ou évènements. Nous avons alors l’occasion de parler avec elles et de leur demander si elles ont déjà vécu de la lesbophobie. La première réponse est très souvent non.

Tania Lejbowicz continue en affirmant que les victimes ignorent ou minimisent souvent le caractère lesbophobe de comportements qu’elles ont pourtant vécu :

Nous continuons alors la conversation pour savoir comment s’est passé leur coming out dans leur famille. Et il est courant d’entendre “Oui c’est vrai que quand je l’ai dit à ma mère elle ne m’a pas parlé pendant deux mois mais bon il fallait qu’elle ai le temps d’accepter” ou “Je ne l’ai pas encore dit à mes grands-parents mais en même temps c’est une autre génération, c’est normal”.

Et pourtant non, tout ça n’est pas normal. Pire, de telles réactions peuvent être extrêmement destructrices pour vivre des relations épanouies.

SOS Homophobie décortique la lesbophobie

Extrait du rapport

Un silence imposé

Le silence des victimes est l’un des problèmes latents de la lutte contre la lesbophobie. Imposé par l’éducation, la société, la peur, les femmes ne sont en rien responsables de ce mutisme qui dessert pourtant la visibilité, et par là même le combat, des actes lesbophobes.

Il est important de souligner, que si certains lesbiennes minimisent ce qu’elles ont vécu ce n’est en aucun cas de leur faute. Il faut comprendre qu’on nous apprend en partie à minimiser cela, à nous taire et à penser que nous sommes aussi un peu responsables de cette lesbophobie puisque nous “avons choisi” d’être lesbiennes.

L’orientation sexuelle n’est pourtant pas un choix, explique Tania Lejbowicz. De façon générale, on apprend moins aux femmes à dénoncer les violences qu’elles vivent et à s’armer pour les combattre. Cela est vrai pour les femmes en général et pour les lesbiennes en particulier.

La parole des victimes est d’autant moins relayée que l’homophobie dont parlent régulièrement les médias tend, dans l’imaginaire collectif, à renvoyer aux hommes homosexuels.

Dans l’imaginaire collectif le mot homosexualité renvoie en premier lieu aux hommes homosexuels et le mot homophobie aux agressions vécues par les hommes homosexuels. C’est pourquoi nous luttons pour l’utilisation des mots lesbienne, gay, lesbophobie et gayphobie, continue la co-référente de l’enquête.

L’enquête montre un très large inconfort des populations bies et lesbiennes. Souvent caché, camouflé, ce dernier est pourtant une réalité quand la lesbophobie pèse comme une menace permanente. Le contexte social français n’est pas une donnée à négliger, et pour cause, le clivage sur la question du mariage pour tous semble avoir réveillé haines et plaintes.

SOS Homophobie décortique la lesbophobie

Extrait du rapport

Un contexte peu prometteur

Les diverses manifestations et prises de position consécutives à l’introduction du débat sur la Loi Taubira ont donné lieu à de véritables traumatismes pour les populations LGBT. Ces dernières, aux prises avec des manifestants parfois virulents et des comportements décomplexés, ont ressenti le besoin de s’exprimer. Les femmes lesbiennes et bisexuelles ont suivi cette direction.

Quand nous sommes allées à leur rencontre pour l’enquête, plusieurs d’entre elles nous ont dit qu’elles n’en pouvaient plus de tout ce qu’elles entendaient et qu’elles avaient besoin d’en témoigner.
Les polémiques autour de cette loi ont à la fois augmenté le nombre d’actes lesbophobes et très certainement incité les lesbiennes à témoigner, confirme Tania Lejbowicz.

Pourtant, même si la France fait désormais partie des 14 pays à autoriser le mariage pour tous et des 15 pays permettant l’adoption pour les couples homosexuels, le problème de la lesbophobie reste très pregnant et semble s’inscrire dans la durée.

Malheureusement je ne sais pas si une évolution positive est à prévoir dans l’immédiat. Certes la loi sur le mariage et l’adoption pour toutes et tous est passée. Mais le gouvernement a reculé sur la PMA et sur la sensibilisation aux genres et à l’égalité, affirme notre interlocutrice.

SOS Homophobie décortique la lesbophobie

Extait du rapport

La loi Taubira, adoptée mais encore peu approfondie, ne semble pas avoir eu un impact révolutionnaire sur la vie des populations LGBT. L’enquête d’SOS Homophobie pointe ainsi du doigt des problématiques ancrées en profondeur, tant dans les mentalités que dans le jeu gouvernemental.

Aussi, si une réelle avancée contextuelle est nécessaire à l’amélioration des lesbiennes et bisexuelles, le rapport participe à la visibilité d’un problème longtemps relégué au second plan à cause de l’habituelle domination masculine dont les médias jouent parfois le jeu.



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