"Elle prend mon pouce dans sa main, sûre d’elle, le tord dans sa bouche, frottant sa langue sur ma peau pendant que je me cambre. Elle sourit, refermant ses dents doucement. Elle le laisse dressé sur sa base, alors qu’il la cherche. Ses yeux me dévorent d’un feu sournois. Je n’y tiens plus et la renverse. L’eau se met à couler. Elle coule et se déverse en elle. Quelques gouttes tombent à terre. Ma bouche s’ouvre et sa langue prend la mienne. Débordante, elle se place tout contre moi. Mon torse se soulève alors que mes yeux se ferment pour goûter à un silence reposant. Je m’endors.
Quand je me réveille, elle n’est plus là. Elle est assise, nue, près de la fenêtre.
Chérie ?.
Tu ne dors plus ?.
Viens, j’ai froid.
Il pleut.
Elle pose son doigt osseux sur la vitre et suit la pluie jusqu’à ce que la goutte ait disparue.
Je ne veux pas disparaître.
De quoi parles-tu ?. viens chérie, viens contre moi.
Je ne veux pas mourir.
Elle ne bouge pas. Je vois ses os danser derrière son dos. Et j’entends sa voix frémir quelques notes. Elle se tourne lentement. Je ne vois plus rien d’humain sur son visage. Des vers me fixent, se tortillant, mangeant tout le reste de l’oeil. Ses lèvres ne sont plus que deux filets moisis, de son nez sort une araignée mutante. Je vois ses dents autrefois parfaites se chevaucher. Elle s’avance vers moi.
Chéri, je ne veux pas mourir.
Mais…
Pourtant il a sonné le glas qui annonçait mon départ. Je l’ai entendu.
Elle saute sur les draps, un lambeau de peau s’arrache et retombe au pied du lit. Elle se penche pour me mordre, immobilisant mes mains au-dessus de ma tête. Elle penche ses dents et un vers tombe dans ma bouche. Son index, un os saillant s’y enfonce. Elle le mange. Elle sourit. Encore ce sourire. Sa langue, mousse maronnasse s’effrite quand elle parle et vient m’étouffer. Ses cuisses, autrefois si fermes et délicates, serrées autour de mon bassin s’enfoncent dans ma chair comme des poignards. Ses os tranchants de ses fesses, autrefois si douces et agréables, se plantent dans mes cuisses. Elle commence à bouger doucement. Ses seins, jadis ronds et délicieux qui ondulaient en cadence se sont envolés, je ne vois que quelques côtes brisées qui frottent contre les cubitus. J’ai envie de hurler. Mon pouce, flasque et rétrécit ne se décide pas à grandir malgré les coups de rein qu’elle me donne. Une minute d’inattention et voilà que je sens ses dents s’acharner sur mes lèvres et me les arracher, petit à petit. Ma gorge ne produit aucun son, à part un son inarticulé qui ressemble à son prénom. Une spirale brûlante m’avale et je perds pied. Je regarde le vide s’ouvrir sous mes pieds dans une nuée de cendres. C’est alors que je sombre complètement.
Elsa, respire normalement près de moi. Elle est tournée vers la droite, moulée délicatement sous le drap. Je la regarde, le cœur battant. Je n’en reviens pas de ce que j’ai vu. Je me lève et vais me rafraîchir le visage. Je me recouche, dos à elle. Je n’arrive pas à me calmer. Les images se sont encrées en moi, indélébiles. Je ferme les yeux. Je la sens se retourner et poser une main sur ma hanche. Je vérifie que sa main soit bien normale. Et je m’endors, embrumé.
La journée commence bien. Elsa part toujours avant moi et elle me laisse souvent un mot sur la table du genre :
« Mon chéri, as-tu bien dormi ?. Le petit-déj’ est servi. Ne mets pas trop de beurre sur tes tartines. Je t’aime, à ce soir, sois gentil avec tes élèves. »
Ensuite, je passe à la salle de bain, je m’habille, j’enfile mes nouvelles chaussures, et je pars, direction la fac. Généralement, je ne prends pas la voiture, j’en ai pour dix minutes de marche. Alors je me presse un peu pour pouvoir intégrer l’amphithéâtre avant mes étudiants. Aujourd’hui le cours faisait transition entre le chapitre précédent, et celui qui allait être abordé deux séances après. Ce n’était qu’une ébauche d’introduction, avec des définitions, j’allais m’appuyer sur plusieurs textes qu’ils devaient avoir lus. Je parlais de désir.
Je commence mon cours par un simple :
« Bonjour, aujourd’hui, on va travailler l’introduction du chapitre qui nous occupera dans deux séances. Suivez bien, tout ce qu’on dira ici vous servira pour l’examen, notamment les textes cités qui vous seront ressortis tels quels aux partiels. »
Je lance ma première diapositive et j’entame le cours.
Le temps de relever la tête une seconde, j’entrevois une forme, à demie nue au milieu de l’allée. Sa tunique, un grand voile blanc recouvre partiellement ses bras, et tombe sur ses poignets. Ses seins sont nus, cachés habilement par ses mains réunies en coupe au niveau du coup. Un lambeau de tissus court le long de ses reins, courbés à l’extrême présentant des fesses exquises. Ses jambes sont enroulées dans le drap transparent, laissant tout de même admirer le haut des cuisses. Ses épaules sont découvertes, seuls ses cheveux tombent en cascade sur sa peau. Elle tourne la tête vers moi, les lèvres légèrement entre ouvertes. Son regard me foudroie et m’attise. Son corps commence à me taquiner, montant gentiment les escaliers. Et je suis là, devant mes étudiants, la bouche ouverte, le souffle coupé, mon pantalon me serre, je commence à transpirer. Et elle disparaît dans un rire cristallin.
« Monsieur. Vous vous sentez bien. ? »
« Euh…oui, pardon, excusez-moi. »
Le cours reprend. A la pause, je sors prendre un café. Je ne croise pas un collègue mais sens une main courir sous ma chemise. Je me retourne mais je n’entends que les bruits d’un tissu froissé.
A la fin du cours, une jeune fille vient me demander de lui donner les références d’un livre. Je me penche pour l’attraper dans ma serviette, quand je vois un mot collé sur le rebord du bureau.
« Encore .? »
Je m’approche de la table. Elle est allongée, nue, les bras collés à ses jambes. Elle respire à peine. Je la parcours du regard. Ses yeux s’ouvrent un instant, sa bouche émet un son rauque inarticulé. Et puis une pieuvre s’abat sur sa tête, elle enfonce ses tentacules dans ses orifices. Ses orbites éclatent, les oreilles explosent, ses parois nasales obstruées l’étouffent. Dans sa bouche se déverse une encre empoisonnée. Ses mains et ses jambes se débattent mais impossible. Et je fixe la scène sans bouger, pétrifié.
En un battements de paupières, je me retrouve dans un pub malfamé du centre ville. Je la vois, accoudée au bar. Elle tourne la tête vers moi. Ses cheveux pendent et fouettent ses coudes. Je m’approche. J’aperçois son crâne, complètement dégarni, ses yeux, deux cavités noires, vides de toute expression. Sa bouche, une ventouse, aspire dans un tuyau fait de chair et de sang visqueux qui part de son nombril. Ses bras ne sont plus que deux os fébriles au bout desquels s’allongent avec grâce deux mains parfaites au doigts longs. La courbure de ses reins a quelque chose d’étrange que je ne pourrais définir. Elle ne porte rien, à part une paire de bas troués. Elle porte des talons aiguilles de quinze centimètres qui lui affinent le pied et lui galbe la jambe. La gauche est pliée et posée nonchalamment sur le montant du bar. Un vieux se penche sur elle et pose sa main sur ce qu’il reste de son ventre. C’est alors qu’elle se dirige vers moi, repoussant le vieux. Je recule, horrifié. Sa chair s’étire sur une langue de serpent et des gencives verdâtres. Elle susurre mon nom. Elle rit. Un rire qui me glace le sang. Elle me dit :
« Comme on se retrouve mon chéri. »
Je cherche une chaise, je me frotte machinalement les yeux. Elle est toujours là. Elle me pousse, s’assoit sur moi. Ses mains courent sur mon cou. Je sens ses ongles me griffer, me déchirer la peau. Et je la vois couverte de sang. Elle place l’extrémité de son tuyau sur ma carotide et l’autre dans sa bouche et déverse sur moi par son nombril les immondes parasites qu’elle mangeait.
Qu’est-ce que tu as ?. Tu es insupportable.
Rien.
Mais si, pourquoi tu me fais la tête comme ça ?. Que t'ai je fait ?.
Rien.
Alors tu fais la tronche pour rien ?. Ça m’étonnerait.
Alors étonne-toi chérie.
Elle sort de la cuisine. Elle ne voit pas qu’elle me perturbe ?. Elle me perturbe au travail et la nuit. Et maintenant, je n’ai pas le droit de réfléchir deux secondes ?. Il faut qu’elle me colle au cul, qu’elle vienne s’occuper de ce que je pense.
Je l’entends ouvrir la porte vitrée et la refermer. Elle s’est allongée sur la chaise longue, un bouquin à la main, ses lunettes sur le nez. Le soleil se couche à ses pieds lui chauffe la peau. Bien qu’on soit en Février, il fait relativement bon. Elle a mis ses écouteurs, au moins elle ne viendra plus me déranger. Je retourne dans la cuisine et me plonge dans mon bouquin. Je n’en ressors le nez qu’à dix neuf heure. Il est l’heure de manger, elle aurait dû pointer son bout de son nez et me dire « chéri, ce soir c’est purée saucisses. » Mais non rien. Je me lève, elle n’est plus sur la terrasse.
Pas de réponse. Je regarde le porte-clés. Les clés de la voiture y sont, celle du secrétariat de la fac aussi, celle d’Elsa aussi. Où est elle. ?
Mais elle ne répond pas. Je commence à m’inquiéter, ou alors elle est dans la baignoire et elle m’ignore, ou elle est sortie et je n’ai rien entendu.
Je rentre dans la salle de bain, ouvre le rideau. La baignoire est pleine d’eau et de mousse. Ma femme trône dedans, plus belle que jamais. Elle n’enlève même pas un des deux concombres de ses yeux et me lâche :
Ferme le rideau, j'ai froid. Si tu veux faire à manger, va. Je vais finir mon bain et peut-être que je mangerai avec toi.
Elsa..
Oui, j’ai entendu, tu es désolé, tu n’es pas à la hauteur.
Elsa..
Oui ?
Je t’aime.
Oui, tu m’aimes mais en même temps tu me fais la tête sans que je n’y comprenne rien.
Je suis désolé.
Qu’est-ce que tu as en ce moment. ?
Je ne sais pas.
Je ferme le rideau. Dans la cuisine, j’allume le gaz, mets de l’eau dans une casserole et déverse 6 saucisses. J’attrape une boîte de haricots verts, mets de l’huile dans la poêle et fais chauffer. quinze minutes après, tout est près. Je l’appelle, elle ne vient pas. Je la sers, je me sers. Je m’assois. J’attends.
Je vais la chercher. Je tire le rideau de la salle de bain.
Elsa....
Ce n’est plus dans de la mousse qu’elle trempe mais dans une marre de sang. Sa tête pend dans le liquide rouge. Elle ne respire plus.
Un sursaut.
Elle entre dans la cuisine, une serviette blanche nouée sous l’aisselle. Elle regarde dans la casserole, regarde son assiette pleine.
Tu manges avec moi. ?
Je ne sais pas, dit-elle.
S’il te plaît.
Je mets une robe. ?
Elle répond en un sourire.
Elle mange en silence. Je la dévore des yeux.
J’ai un bouton sur le nez. ?
Non, tu es magnifique.
C’est la deuxième fois que tu me dis ça.
Je sais.
Alors, tu avais quoi tout à l’heure. ?
Euh…
J’attends.
Rien, en fait je fais des cauchemars vraiment horribles et ça me…
Je te perturbe. ?
Quoi. ?
Je suis dans tes cauchemars. ?
Oui.
Et je te fais peur. ?
Oui.
Donc…
Donc je suis désolé, ce ne sont que des mauvais rêves.
D’accord.
Pardon, vraiment chérie, je ne sais pas quoi te dire d’autre, je suis sincèrement désolé.
Ce n’est pas grave. Raconte moi.
Je préfère pas.
Comme tu veux, de toute façon tu sais bien que tu peux tout me dire.
Oui.
Et tant que j’y suis, tu as un haricot vert coincé dans ta mèche. Tu as sûrement dû t’endormir en attendant que je sorte du bain.
Oui.
Elle se lève et débarrasse.
La vaisselle c’est pour moi ce soir.
D’accord, dit-elle, moi je vais lire, le bouquin est passionnant.
De quoi parle-t-il. ?
Oh tu sais, pas grand chose qui t’intéresserait.
Dis toujours.
Ça se passe au Canada. C’est l’histoire d’un homme qui fantasme sur une fille bien plus jeune que lui. Et la nuit, il voit cette jeune fille morte. Et il essaie de la sauver.
Et il va y arriver. ?
Je ne sais pas, c’est plutôt mal parti.
De plus il est marié et il a deux enfants.
Quel tableau.
Comme tu dis.
Et si on allait se promener ce soir. ?
Se promener. ? Maintenant, non. Je me lève à cinq heures demain et il est dix heures. !
Oui je sais, mais j’ai vraiment besoin d’aller marcher un peu sur la plage avec ma femme.
Plage qui, soit dit en passant, est plongée dans le noir le plus total.
S’il te plaît.
Pourquoi faire.? Tu ne veux pas t’asseoir contre moi sur le canapé et regarder un film. ?
Bof.
En tout cas, moi je ne sors pas, et je ne te laisse pas sortir.
Elsa..
Quoi. ?
Je ne veux pas aller me coucher.
Je n’ai pas dis qu’on irait se coucher maintenant.
S’il te plaît.
Non, je n’ai pas envie, tu n’avais qu’à m’emmener quand il y avait un superbe coucher de soleil.
J’avais du travail.
Oui, je sais. Maintenant ce n’est plus le moment de se promener sur la plage, tant pis pour toi.
Elsa..
Oui.?
Elsa, tu pourrais m’aider. ?
Tu veux que j’essuie. ?
Non.
Alors de quelle aide est-ce que tu me parles. ?
Elle éclata de rire.
Arrête Marc, parfois tu me fais vraiment peur.
Je ne plaisante pas. !
Elle sort, allume l’halogène et se cale dans le canapé, toujours en serviette de bain. Puis elle se plonge dans son bouquin.
Une fois la vaisselle faite, je passe à la douche. Quand je reviens au salon, la télé est allumée, Elsa rigole devant une comédie. Je m’assois près d’elle et la serre contre moi.
Je t’aime Elsa.
Il n’y arrive pas. Il n’arrive pas à écrire un cours qui tienne debout, qui tienne la route.
Il se sent inutile. Elsa dort, nue sous le drap blanc qu’elle a lavé hier. Il se penche sur son paquet de feuille. Il écrit :
J’ai envie de sexe. !
« Bon, voilà qui est dit. Ça ne va pas nous avancer bien loin, surtout que ma femme est complètement endormie et que de toute façon, j’ai autre chose à faire. Non, mais quand même, c’est dingue comme ça m’empêche de penser. Je n’arrive même pas à aligner deux mots. »
Il respire, il respire profondément pour se vider la tête et avoir un peu d’inspiration.
Elle bouge, lentement, gémit, à chaque fois qu’il la pousse. Il cisaille son ventre d’un rein glorieux, ouvrant ses yeux sur une extase sans nom. Ils s’entremêlent, leurs bouches se mordent et se fondent, leurs corps suintent d’un plaisir sans retenue. Elle cherche de l’air à ses lèvres, recevant une langue taquine. Elle se soumet, abandonnée, bras et jambes nouées à lui. Et en un virage, ils s’envolent ensemble, comme ils n’avaient jamais volé. Leur cri meurt étouffé dans le cou de l’autre. Il voguent longtemps, touchant le ciel. Les étoiles ne leur avaient jamais parues si belles. Et il s’étreignent, sans atterrir.
Mais ce n’est pas elle. Un horrible visage remplace celui si doux de sa femme. Elle est toute d’os qui cassent les uns après les autres, sans pouvoir le retenir. Il entend un rire démoniaque sortir d’un trou béant servant de bouche. Il se heurte violemment aux dents qui entaillent sa chair. Il tombe lourdement sur le matelas, rempli de poussière d’os. Respirant dans le drap, il s’étouffe, et entends encore ce rire.
Il se lève. Tout a disparu. Le rêve est parti. Elsa, drapée dans de la soie est derrière lui.
Chéri, qu’est-ce que tu fais. ?
J’essaie de faire un cours.
Marc baisse les yeux et surprend la main de sa femme descendre le long de son torse jusqu’à son ventre. Elle l’empoigne avec douceur.
Il lui cache quelque chose, elle le sait. D’autant plus que ce n’est pas la première fois qu’il crie comme ça, en pleine nuit. Il ne s’en souvient jamais. Où alors il ne lui dit pas. Il l’aime, oui, ça elle le sait. Mais elle a besoin de plus qu’une partie d’amour un soir ou deux. Il gémit dans la nuit, il jouit, et puis il hurle d’effroi. Il hurle tellement qu’elle pleure dans le coussin après l’avoir réveillé. Et généralement, il ne la touche pas. Jamais. Pas après ses cauchemars. Pourquoi. ? Elle n’en sait rien. Elle ne veut en parler à quiconque. Elle a peur. Simplement peur qu’il y ait quelqu’un qui le trouble, quelqu’un qu’il voudrait aimer, et qu’à cause de leur mariage… Non, ne pense pas à ça. Marc n’aime que toi. Qui veux - tu qu’il aime d’autre. ? Marc n’a personne d’autre, ni en vue, ni en vrai. Il n’aime que toi. Il fait juste des cauchemars. Elle regarde par l’entrebâillement de la porte. Il respire paisiblement. Cette nuit, il n’a pas hurlé. C’est juste ce matin, sur ses cours. Il s’est endormi. Il a cauchemardé, encore. Je n’en peux plus, je suis à bout de l’entendre crier comme ça. Il faut que je lui dise. Il me fait peur. Il me fait réellement peur. Je ne veux pas avoir peur de l’homme que j’aime. Hors de question. Je vais le lui dire.
Marc se lève, nu. Il va aux toilettes. Elsa est dans le salon, elle fait la poussière. On est dimanche matin. Il est dix heures. Elle l’entend qui va dans la salle de bain, qui tire le rideau de la baignoire. Elle entend l’eau. Elle en profite pour remettre le café à chauffer. Elle lui fait ses tartines. Elle se prépare un thé. Le temps qu’il mette un caleçon et le voilà en train de l’embrasser. Il la sert contre lui. Il l’embrasse. Elle l’embrasse avec tout autant de fougue. Elle l’aime. Elle l’aime plus que tout. Comment peut-elle avoir aussi peur. ?
Ils s’assoient.
Ils s’observent.
Il sourit.
Elle lui tire la langue, joueuse.
Et puis d’un coup, d’un seul, ça sort.
Tu hurles la nuit.
Hein. ?
La nuit, tu hurles à la mort.
Oui parfois je cauchemarde, mais comme tout le monde.
Je t’assure que tu hurles. Tu hurles et tu me fais peur. A tel point que j’en pleure une fois que je t’ai réveillé.
C’est toi qui me réveilles à chaque fois. ?
Mais oui, qui voudrais-tu que ce soit. ?
Je ne sais pas.
Qu’est-ce que tu vois. ? Dis-le moi, je n’en peux plus. Je suis morte de trouille à chaque fois que je m’endors à l’idée que tu te remettes à pousser ses cris.
Ma chérie.
C’est une autre. ? c’est ça, il y a quelqu’un d’autre.? Tu as une aventure, et la nuit, tu rêves que je me venge.?
Elsa, bien sûr que non.
Mais dis moi alors.
Je rêve que je vais jusqu’à l’extase dans tes bras, et d’un seul coup, ce n’est plus toi, tu es devenue un monstre squelettique, mangée par les vers, avec des côtes qui se brisent sous mon poids. Tu enfonces tes os saillants dans ma chair...
Ça lui prit d'un coup. Il pensa qu'il devait le faire absolument. Les visions devenaient de plus en plus violentes et réelles. Il se disait qu'il ne devait y avoir qu'une seule solution pour calmer les orages de ces apparitions. Il ne supportait plus la tension. A la fac, tout allait de travers. Il donnait des feuilles des années précédentes, les mirages étaient de plus en plus troublants. Les femmes qu'il voyait ressemblaient toutes à Elsa. Mais en tellement plus… Et la nuit, c'était la mort qu'il étreignait. Il s'était juste dit qu'en la supprimant, il supprimerait les mirages, les hallucinations. Il avait tenu une nuit, noyé dans son Whisky. Pas de visions, pas de cauchemars, car pas de sommeil. Elsa avait dormi toute seule, lui était resté dans le salon. C'était la première fois depuis douze ans de mariage. Il avait honte, et en même temps, se sentait morbidement soulagé. Il était presque fier de son exploit. Il avait sifflé tout le Whisky. Le matin, il avait passé un temps fou sous la douche à se laver les dents. Ses yeux étaient rougis et exorbités. Il avait téléphoné à la fac, il se sentait vraiment mal, il n'assurerait pas les cours pour la journée, il reportait les heures à plus tard. Il ne ressemblait plus à rien, ayant perdu l'appétit, il avait maigrit à tel point qu'Elsa s'inquiétait d'apercevoir ses côtes.
La nuit était tombée, Elsa pensait faire une soirée en amoureux. Elle avait éteint toutes les lumières de l'appartement, allumant des bougies parfumées. Elle avait été dans la chambre pour se mettre un déshabillé provoquant. Elle l'appela, d'une voix suave et envoûtante. Il crut que les spectres revenaient. Il prit sur lui et se retint de hurler comme un possédé pour les chasser. Il suivit la voix d'Elsa, comme le Petit Poucet avait suivi les petits cailloux pour rentrer chez lui. Il poussa la porte de la chambre. Ses yeux s'habituèrent à la pénombre, une bougie trônait de part et d'autre du lit, sur les chevets. Une musique douce créait une ambiance captivante.
Chéri.
Oui.?
Il s'allongea sur elle, la couvrant de baisers. Un souffle désagréable inonda son visage, il suffoqua. Les griffes de sa femme s'enfonçaient dans les chairs de ses reins, créant une douleur peu agréable et peu érotique. Il serra les dents. Posant sa langue dans le creux de son cou, il eut l'impression de lécher des cendres et se mit à tousser. Un air écoeurant s'infiltrait dans ses narines et il se releva pour fixer Elsa et voir ce qui n'allait pas chez elle. Pourtant, elle lui souriait rayonnante. Mais visiblement rebuté, il ne poursuivit pas.
Marc, ça ne va pas?. Tu te sens mal?.
Tu pues, c'est une infection, enfin tu t'es pas lavée aujourd'hui?.
Quoi?.
Mais oui, tu te laves plus ou quoi?.
Il se tourne vers elle pour répliquer violemment mais le changement le refroidit d'un coup. Elsa est redevenue cette effroyable créature à laquelle il tente d'échapper. Il ne retient plus ses hurlements. Les yeux agrandis par l'horreur, il tente de descendre du lit et de sortir de la chambre. Mais ses pieds se prennent dans le couvre-lit, il tombe à la renverse et se heurte la tête. Il se relève, titubant. Elsa est tout près, une main sur son dos. Son hideuse figure s'approche de lui. Ses lèvres fendillées s'écartent sur des chicots espacés de mousse verdâtre. Sa langue, pâte moisie noirâtre tape son palais dans une cadence inquiétante. Du nez sort une blatte rougie agitant ses deux antennes dans un bonheur poisseux. Un os se faufile contre le torse de Marc, puis deux, puis trois. Ils sont rongés et effrités. Jadis, doigts délicats voilà qu'ils l'écorchent. Celui-ci ne cesse de s'époumoner. Il court à la cuisine, attrape un long couteau aiguisé et revient dans la chambre. Elsa, ou ce qu'il en reste, est là, vacillante. Elle risque un mouvement pour se rapprocher de son mari mais celui-ci, hystérique, plonge, le couteau en avant, l'enfonçant dans la poitrine de sa bien-aimée. Il la charcute. La vision s'évapore. Elsa git par terre, le sang recouvre son corps autrefois si beau et si doux. Des bouillons jaillissent de ses entrailles, se répandant dans le couloir, glissant lentement, fiévreusement vers Marc. Essoufflé, il la regarde, hagard. La femme qu'il aimait tant, celle à qui il avait donné sa vie était là, à ses pieds. Pris de nausées, il s'écroula, mort de chagrin.
Citation de Montana #529614
On y croit... on se doute de la fin sans imaginer que cela va arriver... bravo toujours aussi bien écrit 😉
Citation de Happiness #529637
Merci beaucoup, je suis vraiment contente que ça t'a plu et que tu as réussir à le lire en entier.
Citation de Marhaba #529643
Je suis très contente que tu as pu lire mon histoire en entier et que ça t'a plus. Encore merci.