Rentrée du Grand Journal : leçon de transphobie ordinaire

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Ancien membre
06/09/2016 à 12:46

Un nouveau visage qui « donne de la visibilité »

Ce lundi 5 septembre, la plupart des émissions du PAF faisaient leur rentrée. Le Grand Journal en faisait partie, et dévoilait sa nouvelle formule. Victor Robert, remplaçant Maïtena Biraben qui n'aura fait qu'une saison, a présenté son équipe. Parmi les nouvelles têtes figure la surprise Brigitte Boréale, chroniqueuse sportive qui a travaillé pour France 3, Libération, L'Équipe et Pink TV (voir le portrait de 2005 que faisait Libé).

Rentrée du Grand Journal : leçon

Photo : Brigitte Boréale à la première du Grand Journal (Capture : HuffingtonPost - Canal +)

Les messages d'encouragement ont été nombreux sur Twitter et d'autres réseaux sociaux pour souhaiter la bienvenue à une personne transgenre dans une émission d'access prime-time de grande écoute. L'AJL (Association des Journalistes Lesbiennes, Gays, Bis et Trans) a d'ailleurs salué dans un communiqué sur Facebook le fait que « la chaîne contribue, par ce recrutement, à donner de la visibilité aux personnes trans et à refléter la diversité de la société française. »

Brigitte Boréale dans le grand journal ???????????????? remarquable avancée ! Une équipe représentative de la société actuelle #loveislove #LGJ

— CharlOtte MaYoTTe (@MaYoteCharlOtte) 5 septembre 2016

La bonne surprise du #LGJ, une journaliste transgenre en plateau, Brigitte Boréale, dont l'écriture semble très fine https://t.co/nXkpppkFmK

— Amandine Schmitt (@amandecherie) 5 septembre 2016

Un pas en avant, deux pas en arrière...

Cette avancée s'est hélas accompagnée d'un bond en arrière sur le baromètre de la tolérance lorsque, durant l'émission, Lamine Lezghad, l'un des chroniqueurs en plein sketch stand-up sur l'actualité, lance en direction de Brigitte Boréale, sur le ton, on n'en doute pas, de l'humour graveleux : « Nous les mecs, quand on est stressés, une petite [masturbation], ça détend. Hein Brigitte, ça détend ? » (voir la vidéo sur le site, à partir de 26:12). La chroniqueuse répond laconiquement « Je ne vois pas de quoi tu parles. » Une petite salve de rires, quelques applaudissements et quelques sourires ultra-bright et on repart, ni vu ni connu, entre blagues pédophiles et autres grivoiseries de bon aloi.

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Photo : « Ni vu ni connu, j't'embrouille » - Lamine Lezghad (Le Grand Journal - Canal +)

Le langage Fleury

Dans la deuxième partie de l'émission survient ensuite Ornella Fleury, la nouvelle « Miss Météo » de l'émission. Après avoir raconté comment les producteurs l'avaient recrutée, elle effectue un petit tour de table des chroniqueurs (voir la séquence à partir de 3:00 sur le site). Quand vient le tour de Brigitte Boréale, Ornella Fleury lâche alors : « Bonsoir Monsieur-Dame... enfin Brigitte. » Ambiance. La chroniqueuse transgenre acquiesce avec le sourire, sous le coup de l'habitude.

La Miss Météo poursuit : « Alors Brigitte on ne te connaît très peu, et du coup je trouve ça un peu excitant, ça me donne envie de faire un plan à trois. » Silence gêné dans l'assistance. Quelques remugles. Heureusement, Brigitte Boréale en a entendu plus d'une et rebondit, professionnellement : « Je suis ouverte à toutes les propositions... » On sent tout de même que la blague passe moyennement.

Rentrée du Grand Journal : leçon

Photo : « Voilà, ça c'est fait. » - Ornella Fleury (Le Grand Journal - Canal +)

Banalisation de la transphobie

Des propos que n'a pas manqué de relever l'AJL : « Ces remarques ne sont pas drôles, elles sont injurieuses. Elles nient le fait que Brigitte Boréale est une femme – sous-entendant qu'elle serait aussi, simultanément, un « monsieur ». Elles la renvoient à des questions d'ordre sexuel et génital. »

L'Association des Journalistes Lesbiens, Gays, Bis et Trans poursuit : « Ni Victor Robert, l'animateur de l'émission, ni aucun-e des chroniqueurs/chroniqueuses présent-e-s autour de la table n'ont réagi aux propos de Lamine Lezghad et Ornella Fleury. »

Les internautes n'ont pas manqué de réagir sur la Twittosphère :

Vous n'avez pas honte @ornellafleury de faire des "blagues" transphobes ?
(Par ailleurs, le reste n'était pas drôle non plus. Joli flop.)

— Clément. (@ImBadYoureMad) 5 septembre 2016

L'humour génant transphobe de la nouvelle Miss Météo du #LGJ... ????

— Jo El Rey (@JLeroy59) 5 septembre 2016

La violence ordinaire, quotidien des personnes transgenres

Sur sa page dédiée à la transphobie, l'association SOS-Homophobie résume le quotidien des personnes transgenres : « Que ce soit dans les transports ou dans la rue, il ne fait pas bon assumer sa transidentité ni même son androgynie. Regards insistants, commentaires désobligeants lancés d’une voix bien audible, insultes homophobes et transphobes mélangées, agressions verbales et physiques... A la violence des propos ou des actes se rajoute souvent l’absence de réactions des témoins éventuel-le-s. »

Même si elles peuvent être basées sur le ton de l'humour, les paroles de Lamine Lezghad et d'Ornella Fleury sont blessantes pour des milliers de personnes transgenres, qui se sont identifié-e-s, ce lundi 5 septembre 2016 sur le plateau du Grand Journal, à Brigitte Boréale.

[EDIT 13:40] Jusqu'à présent, seul Augustin Trapenard a réagi, en soulignant que désormais, « Le Grand Journal faisait exister le T de LGBT ».

@SimonLiger @ajlgbt @GrdJournal Je remarque, comme le communiqué que vous citez, qu'en plus du G, #lgj fait exister le T de LGBT ! À suivre!

— Augustin Trapenard (@ATrapenard) 6 septembre 2016

[EDIT 17:00] Dans un communiqué, l'AJL a décidé de saisir le CSA après les propos transphobes proférés dans le Grand Journal. L'association estime que « la chaîne Canal+ a manqué à ses obligations en matière de lutte contre les discriminations, de respect de la dignité de la personne humaine, et de maîtrise de l'antenne. » Elle souhaite un rappel à l'ordre ferme de la part du CSA envers Canal +.

Aleksandr

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Ancien membre
24/12/2017 à 03:15

Je me souviens bien de cette polémique stérile qui en d'autres temps serait passée totalement inaperçue, non en raison de sa banalité mais de son insignifiance. Cette taupinière rapidement grossie en montagne, relevant pour moi avant tout de la stratégie de com. la plus mal étudiée ou comment en voulant dénoncer la banalité de la transphobie ordinaire, l'on finit par se faire poursuivre soi même pour insultes par des organisations qui bien que LGBTI... pour la plupart, réussissent le prodige de se montrer dans les faits encore plus transphobes que leurs prétendus adversaires, en se présentant en chevaliers blancs défenseurs de la dignité humaine quand la plupart de leurs actions, d'avantage motivées par de stupides et contre-productives querelles d'égo que par l'intérêt général, sont de véritables fiascos ne faisant que rajouter de l'huile sur le feu en attisant la haine à notre égard, avec pour résultat le plus visible ne nous éjecter du PAF pour un sacré bout de temps. Bravo donc pour le résultat. Cette ironique situation serait presque risible si elle n'était pas si tristement lamentable.


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