A 17 ans j'ai fait un choix, celui de vivre, non pas survivre mais vivre, j'admire le courage des personnes qui se contentent de leur petite vie paisible. Actuellement depuis novembre ma vie est en Afrique, plus précisément au Kenya, je me rend aussi compte que parfois ma vie qui me semble normale puisse paraître exaltante pour d'autres.
Voici une petite page de ma vie habituelle :
· Mardi 27 décembre 2022, Mfangano Island 5h15 du matin…
Recroquevillé dans mon lit soudain je suis réveillé par le vrombissement de cette pluie qui se fracasse sur ce toit de tôle. Sur cette île, à proximité de l'équateur, les orages sont quasi quotidiens, par contre l’eau disparaît dans la journée grâce au soleil et à la nature de ce sol si particulier. Je suis sur Mfangano Island, une île volcanique kényane du Lac Victoria au Centre Est de l’Afrique, qu’on atteint en bateau ou pirogue en moins d’une heure. Elle fait environ 15 km de long sur 10 de large, en son centre il y a des petites montagnes, je fus étonné de lire que le point culminant était à plus de 1600m, j’ai compris que le point 0 de cette mesure est l’océan, et non le lac Victoria qui lui même se situe à 1100m d’altitude.
Les habitants, environ 30000, font partie de la tribu Luo et Suba, parfois pour moi compliqué car ici les gens peuvent parler en Suba, Luo, Kiswahili ou anglais, donc juste répondre à un bonjour ou un merci peut s'avérer un dur labeur. Ici la grande majorité des habitants sont pêcheurs, ils pêchent de minuscules poissons toute la nuit, les autres allant plus loin dans le lac cela leur permet d’attraper de plus grosses prises. Le climat est particulier car les températures oscillent entre 20 et 26 degrés le jour et la nuit tous les jours de l’année. C’est étrange car j’ai perdu l'habitude de manger avec une fourchette, ici on mange avec les doigts, la base de la nourriture est l’Ugali, une pâte blanche compacte faite à partir de farine de maïs. On y associe des choux coupés en très fines lamelles, des chapatis (galettes faites à partir de farine de blé), des petits haricots rouges, souvent du poisson, des oeufs ou de la viande, mais ces deux derniers ingrédients ne viennent qu’une fois par semaine, ou jamais car trop chers.
Ici les déplacements se font en moto, ils coûtent cher pour les enfants et les habitants (en moyenne 100 shl pour 5km, 0,70€), il doit y avoir environ 4 voitures sur l'île que l’on ne voit que rarement, vu qu’il n’y a que 3 routes principales, une qui traverse l'île en son centre et l’autre qui fait le tour de l'île, mais qui par endroit ne seraient pas praticable pour une voiture.
Je loge dans la famille de Steve, garçon de 22 ans avec qui je suis en contact depuis 2 ans lors de mon premier passage sur l'île. Le foot n’est pas une passion pour lui, c’est juste une drogue, une raison de vivre, aussi le seul loisir sur l'île qui permet d’échapper au quotidien. Cette semaine il est parti pour un tournoi à l’autre bout de l'île, le tournoi a commencé le 24 décembre pour finir le 31, beaucoup de joueurs dorment sur place. Je viens de passer 2 jours au camp, ce sont les locaux d’une école utilisés pour loger les équipes pendant la semaine du tournoi. Dormir à 40 dans une salle de classe directement sur le béton n’a pas été forcément une nuit réparatrice mais j’ai appris à vivre avec les amis de Steve et aussi les gamins de l’équipe de moins de 15 ans. Les matchs sont parfois très physiques et intenses, il y a un commentateur, tous les joueurs sont connus et utilisent des pseudos; Paul Bogba, Ronaldo, Messi…ce qui fait que pour moi c’est assez comique à regarder. L’équipe a été sélectionnée pour les demi-finales, en fin d'après-midi Steve me dit qu’ils ne vont pas pouvoir dormir au camp par rapport aux esprits. The Chiefs; qui sont des personnes qui connaissent les esprits et communiquent avec eux ont dit que l’équipe senior devait rentrer à Sena (village à l’entrée de l'île où l’on vit) donc Steve prendra la pirogue pour passer la nuit à Sena avec son équipe. Le lendemain, malgré toutes ces précautions ils perdent la demi-finale, le tournoi a aussi été émaillé de tensions, de bagarres, ce ne sont pas les quelques policiers sur place qui peuvent stopper des groupes de dizaines d’enragés parfois alcoolisés munis de bâtons. Lorsque l’on voit des dizaines de personnes hurler et courir dans un sens il est préférable de faire de même, étant habitué à ce genre de débordements je ne pense qu’à ma propre sécurité mais cela reste très impressionnant.
Le père de Steve est charpentier, malheureusement le travail n’est pas quotidien et vu qu’il est le seul à apporter un peu d’argent certaines périodes sont très difficiles. Il a 2 frères Stanley 16 ans et Victor 19 ans et Joy une petite sœur toute mignonne de 3 ans. Ici l’électricité est payée au jour le jour, donc le plus fréquemment il n’y en a pas, la cuisine est une “three stones”; 3 pierres entre lesquelles on fait du feu. La salle de bain je la connaissais déjà, c’est le lac, il y a des endroits pour les hommes et d’autres pour les femmes. Ici se laver nu dans le lac est naturel car quotidien, certains font leur vaisselle, lavent leur vêtements dans le plus simple appareil. Avant hier j’étais à me laver avec Stanley et à 5m de nous nageait un varan, lézard de 80cm à 1m, puis un autre, puis un troisième, animal que j’ai déjà rencontré dans d’autres pays mais avec qui je n’avais jamais nagé (Stanley m’a dit qu’ils n’étaient pas dangereux donc je n’avais pas d’autre choix de le croire). Les autres habitants de l'île sont les hippos, par contre ils viennent plus entre juin et septembre se faire un plaisir de détruire les petits champs de maïs proches du lac il y a aussi les singes et les pythons dans le centre de l'île qui se font encore plus discrets. De nombreux petits scorpions se cachent sous les pierres le jour, je ne suis pas allé les déranger cette fois ci, il y a 2 ans je dormais sur matelas à même le sol et vers 3h00 du matin j’ai eu cette désagréable sensation de ce petit animal se déplaçant sur mon torse.
Ici je suis un Muzungu (un blanc), l’autre jour je suis allé mangé avec Steve chez sa grand-mère, elle n’aurait jamais imaginé de son vivant qu’un Muzungu viendrait manger chez elle. Après plusieurs mois en Afrique je me rends compte que je ne pourrai jamais changer ma couleur, les croyances, significations, représentations durent et restent encrées depuis des centaines d’années. Un Muzungu représente la richesse, l’argent mais aussi le savoir, l’espoir, avoir un blanc comme ami ou dans sa famille est un honneur, une fierté. Moi qui aime avoir des relations d'égal à égal je sais qu’ici ça ne sera jamais le cas, parfois compliqué avec certains jours ou je me fait interpeller ou saluer toutes les 2 minutes. C’est aussi compliqué pour Steve, lorsqu’on va seulement au village il se fait interpeller par des dizaines de connaissances qui lui demandent de l’argent. Avant de venir je l’avais mis en garde, ici le fait de loger et être ami avec un blanc signifie que tu as de l’argent, moi je suis habitué que les filles veulent se marier avec moi, mais ici ils n’osent pas me demander donc demandent à mon ami…
Compliqué aussi car j’aurai envie d’aider les gens, enfants, j’essaie de cibler ma générosité mais parfois je loupe la cible. Hier nous sommes allés à Homabay, une ville sur le continent à 3h00 d’ici pour acheter bandages, désinfectants, crèmes pour faire un kit de premiers secours (qui sont souvent les derniers :-)), pour apporter sur les terrains de foot lors de tournois ou autres match. Dans le seul supermarché de la ville un gamin d’environ 10 ans aux vêtements déchirés, nous accoste, me fait comprendre qu’il a faim en portant la main à sa bouche, et me croyant très futé je lui achète et passe en caisse avec un gros sac de riz de 5kg qu’il porte fièrement de ses petits bras. Avec Steve nous retournons finir nos achats, et là au retour, au pied de la caisse j’ai eu la très désagréable surprise de voir le sac de riz posé côté magasin. Je demande à Steve ce qui s’est passé, il me dit que le gamin a du rapporter le sac contre quelques billets. Je fût vraiment déçu et déconcerté mais ici c’est la règle du jeu, il faut éviter se laisser porter par ses émotions, même si on pense choisir et diriger nos actions ce n’est que rarement le cas.
Parfois juste à table, étant l’invité, le Musungu, tout le monde est à mes petits soins, mon assiette vide se remplit aussitôt, même chose pour ma tasse de thé. Ici les jeunes sont au service des plus âgés, ils font la cuisine, mettent la table, si je laisse des chaussures ou vêtements sales à traîner ils seront lavé sans que je ne le demande. Si il n’y a que 3 morceaux de poulet pour toute la famille, au moins 2 seront pour moi, j’aurai beau insister pour refuser ça n’y changera rien. En échange j'essaie d’apporter un peu de réconfort et améliorations au quotidien, je suis logé, nourri dans une famille qui doit être dix fois plus pauvre que moi. Pour les enfants comme les adultes, manger de la viande, des bonbons, des gâteaux ou boire du soda est un luxe rare.
L’éducation est ici une priorité, les familles dépensent des fortunes pour leurs enfants, pour les plus chanceux ils reviendront à 21 ans après 3 ans d’université avec leur examen. Ensuite 99% d’entre eux survivront grâce à de petits boulots, car le pays est très loin de posséder les entreprises, les usines, les services nécessaires pour apporter du travail à tout le monde. Un pays qui tourne est un pays ou l’argent tourne mais il faut un point de départ, ici la corruption est un grave problème, donc le peu de personnes qui pourraient investir dans l’économie ne le font pas, donc pas d’usines, pas de travail, pas d’argent, pas de consommation, donc pour la plupart des gens c’est plus une question de survie que de vie.
Les lycées sont appelés les prisons, aux jeunes que je rencontre je leur dit que les prisons en France sont de loin plus luxueuses. J’en ai parlé longuement avec Boy, un des jeunes garçons de la première famille chez laquelle je suis resté 3 semaines il y a 2 ans. Les dortoirs (ici c’est obligatoire) sont de grandes pièces avec 8 ou 20 lits, il n’y a pas de surveillants, les seuls surveillants sont les “watch men” et ils restent à l’extérieur, il serait même dangereux pour eux d’entrer dans un dortoir. Les règles et la loi y sont instaurés par les plus anciens, c’est à dire que les jeunes de 15 ans sont au service des plus âgés, par exemple si un des jeunes ne se lave pas un ou deux jours il sera lavé de force. Les châtiments corporel des plus agés (canning; c’est à dire fouetter avec un baton ou ceinture) sont ici décidés et infligés par des jeunes de 19 ou 20 ans, il n’est pas difficile d’imaginer les abus dans ce genre d’endroits. Le réveil est entre 3h40 du matin et 4h00 généralement (seuls dans les collèges les gamins se lèvent plus tard à 5h00), parfois si un jeune arrive trop tard pour le repas il ne mange pas, pour l’eau Gabby 17 ans un des jeunes que je connais a attrapé la fièvre Typhoïde car dans son lycée l’eau est seulement prélevée dans la rivière. Je lui ai donc acheté des pastilles pour purifier son eau, par contre pour les 2300 autres élèves la situation sera la même à la rentrée…
Je commence à bien connaitre l’ile, ses coutumes, habitudes, Joy la petite soeur de Steve m’appelle Uncle Fred. Je sens que la famille, la communauté m’accepte, on m’interpelle plus souvent avec mon prénom que par “Muzungu”. Hier nous sommes allé à l’église pour le 31, de 22h00 à minuit 30, et ensuite au lit, compliqué pour moi car je perds un peu mes repères, ici la période des fêtes de fin d’année n’existe pas. Je vous souhaite quand même une bonne année, pour moi ce 01 janvier le programme débroussailler, planter des choux et aller nager dans le lac…Cette semaine je compte aller pêcher de nuit sur le lac, distribuer des t-shirts aux gamins les plus pauvres, profiter de ma dernière semaine sur l’ile.
Citation de Boulanger44 #438334
Bonjour-Bonsoir selon 😉,
Merci pour votre récit très enrichissant sur beaucoup de points de vues et chapeau pour ce que vous faites.
C est bien beau de toujours évoquer les gens qui vivent du voyage, mais beaucoup n ont pas la chance de pouvoir ne serait ce que bouger de leur campagne, car sans argent c est totalement impossible.
Malheureusement on ne peut pas vivre d amour et d eau fraîche.
Je pense que faut se donner les moyens de réussir aussi même sans argent tu peux faire bcp de chose
Citation de Needlove #438396
Je comprend ton point de vue, comme toi beaucoup pensent qu'il faut beaucoup d'argent pour voyager. Personnellement quand j'étais à Nantes, je dépensais entre 50 et 70€ par jour (mon salaire d'intérimaire en fait). Quand je voyage je dépense entre 3 et 20€ par jour (je te cache pas qu'avec 20€ je me fait plaisir mais aussi plaisir autour de moi!). Je ne paie pas le logement ni la nourriture en général, je voyage principalement en Workaway et Wooffing, parfois Couchsurfing. Ces mots ne te disent sans doute rien, j'échange juste certaines de mes connaissances, mon travail, mes expériences; j'ai fait l'école chez les Masaî au sud du Kenya, mis de l'huile d'olive en bouteille en Espagne, aidé à construire un centre de santé sur une île du lac Victoria...
Donc voyager me coûte beaucoup moins cher que ma petite vie ennuyeuse en France, j'ai aussi beaucoup travaillé de jour comme de nuit 6 ou 7 jours sur 7, des semaines de 70 heures parfois. Par contre ça fait 2 mois que je n'ai pas pris de douche, une bassine et de l'eau chauffée sur le feu font l'affaire. Bref mon luxe, mes richesses ce sont les rencontres que je fais à travers le monde et certains paysages extraordinaires ! :-)
Merci pour ce message qui montre que beaucoup de barrières pour vivre de nouvelles expériences sont dans les têtes.
Serait--il possible de faire une incursion dans le domaine de l'amour, de l'identité de genre, de la sexualité dans cette expérience pour faire le lien avec le site ?
A titre d'exemple, après deux ans en Afrique, j'ai eu besoin de rentrer en France pour vivre ma sexualité.
Dans un environnement hostile ou inconnu, faut il mettre ses préférences en sommeil ? Peut on les partager ? Peut on en parler ? Les locaux sont ils muselés ou existe t il des espaces de liberté ?
C'est bien de voyager, mais moi je ne pourrais pas vivre comme tu le fais. c'est tres courageux en effet, chapeau ! J'aime avoir ma stabilité, me sentir connectée a un endroit. Sinon ca me destabilise trop et je risque de me perdre energetiquement...
Je lis bien que tu vies avec 5 a 20 e par jour sans compter les voyages en avion..
Sache que certaines personnes n ont même pas ça pour vivre.
Je gère une association et en France beaucoup de personnes n ont rien du tout.
Parfois 400e pour se loger,nourrir ... pour un mois, ça ne permet vraiment pas de bouger
Parti en novembre de l’année dernière je vais rentrer en avril en France, c’est impressionnant comment la France ne me manque pas. Ce soir au pied du Kilimandjaro, demain sur l'île de Zanzibar dans l’océan Indien cette vie me correspond tellement.
Aujourd’hui c’est particulier, j’ai mon ami Steve avec qui j’ai voyagé pendant plus de 4 mois est retourné à Mombasa. Steve a 23 ans, ne pas tomber amoureux de lui serait utopique, ses yeux sont une fenêtre ouverte sur l’univers, son sourire d’une générosité déconcertante. Les filles sont à ses pieds, certaines reviennent à lui après des années; tandis que lui reste de marbre, toujours avec son sourire ravageur. Lui a reçu une éducation stricte et visite l’église du 7ème Jour, la bible a peu de secrets pour lui, pourtant il m’a ouvert son cœur. Il y a plus de 2 ans que je l’ai rencontré, parmi toutes les motos-taxi je suis directement tombé sous son charme, son sourire m’a fait aller vers lui sans réfléchir. De retour en France on s’est parlé pratiquement tous les jours pendant 2 ans, j’ai vécu en novembre décembre avec sa famille pendant des semaines, sur Mfangano une ile du Lac Victoria, ses frères sont comme mes frères, sa mère me considère comme l’un de ses fils. C’est sûr que lorsque j’étais en France je lui ai annoncé que j’étais gay, il a été choqué, sur son ile, dans son éducation, sa religion c’est juste quelque chose qui n’existe pas. Depuis, on a échangé des heures, des soirées sur le sujet, on a aussi échangé sur de multiples sujets. Quand il me donnait la main quand je suis revenu j'avais 2 sensations opposées, je me sentais extrêmement bien et d’un autre côté j'avais peur du regard de l’autre, je me suis rendu compte que cette seconde sensation était juste liée au fait qu'en France cela malheureusement peut-être dangereux. Depuis on a vécu et voyagé 4 mois ensemble dans 2 pays différents, 24/24 ensembles, le plus souvent partagé le même lit (ici c’est courant). Ok, parfois j’ai été très tactile, mais ici le tactile n’a rien à voir avec ce qui se passe dans beaucoup de pays. Ici donner la main à son copain, le caresser est un peu représentatif de ce qui se passe dans les transports en commun. Ici la zone intime n’existe pas, tu peux avoir un pied caressant ton pied pendant des heures dans un transport (minibus ou pirogue), a 4 sur une moto il n’y a pas vraiment non plus d’intimité.
C’est sûr j’ai changé sa vie ces derniers mois, mais c’est réciproque, malgré mes dizaines de voyages autour du monde j’en apprend encore. Oui je l’aime, il m’aime aussi; il m’a demandé plusieurs fois de venir habiter sur l'île, je me suis aussi posé la question. Je ne me suis jamais fixé de limites dans mes sentiments, je trouve l’amour vraiment beau, j’ai toujours été franc et sincère avec lui. C’est sûr, il n’y aura rien de sexuel entre nous, hier un jeune qui travaillait dans un hotel disait qu’on agissait comme père et fils, d’un côté ça m’a rappelé que j’étais plus vieux que son père :-))) mais d’un autre que notre complicité est très enviée. On va sûrement souffrir lorsque je vais repartir, on va pleurer, mais ces larmes seront sûrement comme des rivières d’argent caressant nos joues.
Voyager c’est aussi ça, rencontrer des personnes qui me vont droit au coeur, vivre des émotions parfois trop fortes. Des “Steve” j’en ai pas rencontré beaucoup, mais je sais qu’il reste encore beaucoup de place dans mon coeur pour toutes mes prochaines rencontres…
Merci pour ce beau témoignage. Il m'a beaucoup ému.
Cet amour-amitié est précieux, c'est une belle expérience affective pour tous les deux.
Bonne continuation dans ton périple et tes découvertes de nouvelles personnes.
La main de l'amitié.
RETOUR DIFFICILE EN FRANCE
MERCI A STEVE
Quand on passe 5 mois en Afrique, on ne peut pas rentrer en France avec le même état d’esprit avec lequel on est arrivé. Premièrement je tiens à remercier Steve, une rencontre juste unique et extraordinaire sur cette île de Mfangano sur le lac Victoria dans l’Est du Kenya. Les voyages c’est avant tout des rencontres, la rencontre avec les autres c’est aussi se redécouvrir soi-même. La majorité des gens iront toujours vers les personnes semblables parlant la même langue, de même couleur de peau, de même éducation, du même âge, de même religion. Pour moi c’est le contraire, j’aime apprendre de l’autre, donc plus cet personne est différente plus je vais apprendre des choses, plus je vais m’enrichir. Steve a 23 ans, il est né et a grandi sur l'Île de Mfangano avec sa famille, pas de cuisine, de salle de bain, d’eau courante ou d’électricité, matelas partagés avec ses frères, pas de viande toutes les semaines etc…Bref une vie simple comme celle de millions de gens à travers le monde, vie rythmée par les messes endiablées du samedi et du dimanche, les bains quotidiens dans le lac, la préparation de la terre pour semer le maïs et les choux. Notre rencontre s'est faite il y a plus de 2 ans; pour gagner de quoi vivre il faisait moto taxi sur l'île, quand je l’ai aperçu avec son grand sourire et je n’ai pas hésité une seconde.
CHOC DE CULTURES
Depuis mon retour au Kenya en novembre nous avons voyagé dans de nombreuses régions du Kenya, dans différentes tribus mais aussi au nord de la Tanzanie pendant 4 mois. Voyager 24/24 avec quelqu’un je l’avais déjà fait, mais pour des périodes d’une semaine, pas pendant 4 mois. Nos personnalités ont beaucoup joué dans cette réussite, nous sommes tous les deux très curieux ayant l’envie d’apprendre de nouvelles choses tous les jours. Parfois ça a été plus difficile, la communication selon les cultures est différente mais on a sû en parler pendant des heures pour essayer de comprendre l’autre. J’ai dû m’adapter à certaines choses qui en France pourraient choquer ou sont simplement totalement improbables mais tout celà était réciproque. Il faut pouvoir s’adapter sans chercher à comprendre ou juger, montrer une tombe du doigt ne se fait pas, faire du bruit avec sa cuillère dans sa tasse est extrêmement mal poli. Autre exemple, quand je mange avec sa famille, Stanley, 16 ans, le jeune frère de Steve, est au service de tout le monde. Il fait à manger, il sert tout le monde, avant que je finisse mon assiette ou mon verre il est déjà debout pour me resservir. Au départ je ne me sentais pas vraiment à l’aise par rapport à celà, mais en fait celà fait juste partie de la culture, c’est aussi un plaisir pour Stanley de servir et dans quelques années sa petite sœur prendra le relai. Ce qui m’était étrange aussi c’est le fait qu’il est interdit de se laver dans le lac en même temps au même endroit que son père, nous étions obligés d’attendre qu’il finisse. D’autres choses aussi improbables; ne pas transporter de la nourriture sans sac (il faut la cacher), mais aussi toutes ces cérémonies avec les “docteurs sorciers” avant un match de foot, avant l’ouverture d’un business, ces enterrements à l’ambiance surréaliste. Bref tellement de choses particulières auxquelles au bout de quelques mois je me suis habitué.
LA PAUVRETÉ EN PLEINE FACE
La pauvreté, c’est aussi quelque chose qui m’aura marqué, quand je parle de pauvreté je parle de personnes qui ne mangent pas à leur faim toutes les semaines. Des personnes qui ne savent pas ce que c’est un vêtement neuf, des enfants qui travaillent, qui n’iront jamais à l’école, qui ne verront jamais de médecin. On a tous une empathie différente, avec les expériences elle se transforme, une manière de se protéger face à la souffrance, la violence ou la mort. Le monde ne sera jamais juste mais l’équilibre vient juste avec ce que l’on réalise autour de soi, il faut simplement prendre conscience que nos bonnes actions ne changeront pas le monde mais parfois changeront la vie d'une autre personne. Dire non à des gens, des gamins parfois qui vous disent simplement qu’ils ont faim demande beaucoup de recul, d’un autre côté en France refuser d’aider une personne à la rue est assez courant, mais pas naturel. J’ai été marqué par ce jeune qui travaillait dans un hôtel en Tanzanie qui avait encore les yeux brillants pleins de rêves mais qui gagnait 1$ par jour et me disait qu’entre cette situation ou voler il préférait travailler.
J’AI VÉCU LE LUXE
J’ai aussi découvert le Luxe, le luxe c’est ma vie de tous les jours en France, le luxe c’est manger un yaourt, boire du soda, c’est ouvrir un robinet, c’est avoir un frigo, prendre une douche, manger de la viande ou des oeufs parfois, aller chez le médecin sans payer. Il y a juste quelques jours on était arrêtés sur une air de repos, il y avait des couverts en plastique, Steve a regardé admiratif cette cuillère en plastique, il me dit qu’elle est belle qu’il va la ramener chez lui. Je me sens un peu coupable d’avoir réservé parfois des appartements avec tout le confort moderne, pour Steve c’était du grand luxe (en moyenne à 10$ la nuit). Je lui ai montré comment se servir d’un micro-onde, d’une gazinière, quand on grandit avec 3 pierres et un feu en guise de cuisine et un lac qui sert une salle de bain immense on a pas les mêmes acquis que dans nos pays. En France on aime bien se plaindre, au Kenya le prix du carburant a été multiplié par 2 en 2 ans, beaucoup de prix sur l’alimentation de base ont doublé, une petite partie du peuple commence à se révolter (sachant que manifester est beaucoup plus risqué que chez nous). Je comprends que la vie est compliquée pour de nombreux français, mais là bas j’ai vraiment vu ce que c’était d’avoir faim. Tout celà je l’ai acquis, je vais être encore plus en recul par rapport à mes petits soucis, cette expérience m’a fait grandir.
L’HOMME BLANC, LE MZUNGU
J’ai vécu une sorte de racisme inversé, en France beaucoup de personnes auront tendance à rejeter une personne migrante. Ici dans 99% des cas on m’a ouvert la porte, on m’a traité comme un hôte de prestige, toutes les personnes voulaient me montrer à leurs amis ou leur famille. Ce qui m’a rarement mis à l’aise vu que j’aime bien échanger avec l’autre d’égal à égal j’ai vu qu’ici ça serait juste impossible, même après des mois ou des années. Un homme blanc est un homme riche avec qui les femmes veulent se marier, c’est un homme qui a le savoir et la richesse. Je pense que cette croyance ancrée depuis des centaines d'années est loin de s’évaporer. Malheureusement j’ai changé la vie de Steve, même si ça n’est que du fantasme, avoir un ami mzungu signifie que vous êtes riche, les sollicitations commençaient du matin jusqu’au soir. Il a été très courageux d’affronter celà, car ni lui ni moi ne nous attendions à un tel harcèlement.
OU EST L’ARGENT ???
Certains se questionnent, combien celà coûte-t-il ? A cette question je répondrai et vous que faites vous avec votre argent ? En France des millions de personnes vivent avec moins de 1500€ par mois tandis que certaines ont du mal avec 3000€ par mois. Au Kenya c’est la même chose, j’ai rencontré des gens qui gagnent moins de 100€ par mois ou d’autres qui gagnent 5 ou 10 fois plus. Donc il n’y a pas de réponse toute faite, vous pouvez vivre avec moins de 200€ par mois au Kenya, sachant que vous n’aurez pas de loisirs, peut-être de la viande une fois par mois, bien sûr oubliez micro-ondes, cuisinière, frigo électricité ou internet à volonté, mais aussi oubliez l’alcool ou les sodas et votre salle de bain sera une bassine, et il vous faudra prier pour ne pas avoir d’accident ou de maladie. Donc pour moi ça a été compliqué, j’ai eu des période ou je n’ai pas mangé de viande ou d’oeuf pendant une semaine, des semaines sans douche. J’ai aussi beaucoup donné, plus de 70% de mon budget n’était pas pour moi, c’était un choix mais aussi une nouvelle expérience, plus ma générosité était importante plus certaines personnes pensaient que j’étais une banque. Ca a été souvent compliqué quand vous êtes 3 autour d’une table et qu’à 95% du temps je n’ai pas vraiment eu le choix de payer. J’ai fait le choix de voyager avec Steve et donc pour moi c’était normal et un plaisir de payer toutes ses dépenses. Mais à côté, difficile et impossible de rester insensible à toutes ces personnes, situations, mais qui se présentaient pratiquement chaque jour. C’est aussi une première expérience et je ne me vois pas voyager égoïstement en considérant certaines personnes comme des amis et ma famille sans les aider donc je n’ai pas de regret. Nous sommes tous différents dans notre rapport à l’argent,certains ne comprendront pas ma façon de voyager comme je ne comprends pas que certains puissent payer une voiture 40000€, ce n’est pas un jugement c’est juste un choix et ma façon de dépenser c’est aussi trouver mon équilibre (rassurez-vous je n’ai pas dépensé 40000€ en 5 mois 🙂
DES PIROGUES AUX HIPPOPOTAMES
Des traversées en pirogue sur le lac victoria, bains avec les hippos sur Mfangano, de ces vues extraordinaires du Kilimandjaro, ces bains dans l’eau turquoise de l’Océan Indien à Zanzibar, de ces plongées et course avec les dauphins, beaucoup, beaucoup de souvenirs je pourrai en écrire des pages. En moins de 5 mois j’ai vécu plus d’émotions qu’en 10 ans, il parait que les hommes ne pleurent pas pourtant j’ai pleuré, je souffre de quitter mes amis. J’écris ce texte dans l’avion du retour, c’est étrange je devrais me réjouir de rentrer revoir mes amis, ma famille, pourtant la gorge serrée j’ai l’impression d’abandonner une autre famille. Mfangano est mon île, Steve est mon frère, sa famille est aussi la mienne. Merci de m’avoir fait grandir.
NOS VIES SONT FRAGILES
Grâce à Steve j’ai aussi changé mon rapport avec Dieu, je ne dis pas que je vais aller à l’église tous les WE mais je sais qu’une force positive commune est là, parfois nous aide et nous protège. Je dédie cette dernière publication à Steve Onyango mais aussi à Fidel, un des meilleurs amis de Steve, qui a survécu à cet accident de bus ce jeudi 30 mars à Naivasha, qui se bat à l'hôpital pour se remettre de ses blessures. Mes pensées vont aussi aux amis et familles des 17 morts et nombreux autres blessés, ce voyage m’a aussi montré comment nos vies sont précieuses et fragiles, que donner, partager, aider sont les plus belles des actions qui me font avancer.
Merci
Je suis admirative des gens qui prennent leur sac à dos et partent voyager par montrer par vaut là où les vent les mènent. Ma sœur aînée est aussi une baroudeuse même si là ça fait 6 ans qu’elle s’est posée en Allemagne.
Moi je suis bien trop peureuse pour faire ce genre de chose et aussi trop habituée à mon confort.
Peut-être que à deux je serai moins frileuse ?
Citation de Boulanger44 #448320
Merci pour ce partage. Tu as raison de profiter. J'ai voyagé aussi de la meme façon que toi par le passé puis l'interret m'a un peu passé. La peur de l'aventure s'est installée aussi alors que je ne l'avais pas du tout avant, une sorte d'inconfort quand je perds mes marques. J'en referai un surement un peu avant la retraite, quand le porte-feuille sera bien rempli (et si la santé me le permet bien-sur).
Merci à toi Boulanger pour ces récits.
La prochaine fois. Tu comptes voyager où ?
Merci de partager avec nous cette belle expérience d'amitié et de découverte.
Oui, le retour doit être difficile avec les différences de culture et de mode de vie, ainsi que la séparation avec ceux qui t'ont si bien accueillis . Mais tu y reviendras peut-être ?
La main de l'amitié.
Citation de Reloteb #448752
Merci pour vos réponses, pour l'instant je compte aller travailler dans mon domaine de la boulangerie peut importe le pays (le salaire peut-être 4 fois plus élevé que le salaire en France).
Ensuite je compte traverser de nombreux pays du Moyen-Orient pour redescendre jusqu'en Afrique du sud (bien sûr en repassant par le Kenya).
Toujours avec mon sac à dos en essayant de partager mes connaissances, mes valeurs et être au plus proche et à l'écoute des gens et communautés dans le monde.
Citation de Boulanger44 #449264
Le salaire 4 fois plus élevé qu'en France.
Plus élevé en terme de PPA (Parité Pouvoir d'Achat) où genre gagner l'équivalent de 300 € au taux de change officiel (Je préfère les taux de change du marché noir qui sont plus représentatifs du réel pour les comparaisons) équivaut à 1200 € en France parce que le coût de la vie est 4 fois moins cher ?
Plus élevé en nominal. C'est à dire qu'en France on peut gagner 1200 € tandis que là-bas on peut en gagner l'équivalent de 4800 € au taux de change officiel.
Je pose cette question qui peut sembler étrange mais elle est importante pour comparer la richesse financière.
Je suis passionné par les techniques pour comparer la richesse financière ainsi que le patrimoine net et brut des personnes dont la fortune fut estimé.
Je suis également passionné par la mesure du prix des choses à travers le temps et l'équivalent après avoir pris en compte l'inflation.
Par exemple 500 EUR d'avril 2002 équivaut à environ 700 € de mars 2023 si on utilise l'IPC (Indice des prix à la consommation) français.
On peut obtenir des résultats différents selon l'IPC du pays utilisateur de l'Euro que l'on utilise ainsi qu'avec celui au niveau de l'Union Européenne.
Je suis également passionné par le fonctionnement du système bancaire que ce soit des banques centrales , banque d'affaires , banques de détails etc...
Tu es boulanger. Es-tu aussi pâtissier ?
Je suis boulanger, rassures toi je ne suis pas économiste mais j'ai quand même des notions. Il y a beaucoup d'annonces dans mon métier, et j'épargnerai sans doute plus à gagner 2000€ en Thaïlande que gagner 6000€ net aux Etats-Unis en Suisse ou en Norvège.
Au Kenya j'ai été choqué que le prix des oeufs, du poulet ou du riz était à peine moins cher qu'en France alors que le salaire est 7 à 8 fois moins élevé. Par contre en France on dépensera moins de 15% de notre revenu pour la nourriture tandis qu'au Kenya ça sera beaucoup plus. Bref je voulais juste dire que pour continuer à voyager et aider des gens dans mes voyages j'ai besoin d'économiser
Citation de Boulanger44 #450539
Tu dis vouloir aider des gens au cours de tes voyages.
As-tu déjà eu envie de crée des associations ?
J'y ai pensé mais créer et gérer une association en France n'est pas simple. Par contre j"avais fait une collecte Leetchi auprès de mes amis et famille pour acheter des crayons, cahiers, etc pour plusieurs école en décembre. Leetchi a bloqué l'argent pendant plus de 3 mois parce que je n'étais pas une association. Ils ont remboursé mes amis qui m'ont juste refait des virements. J'avais fait une collecte il y a 2 ans et on avait acheté 3 vaches pour une école Masai j'avais pas eut de soucis...
Citation de Boulanger44 #450608
Il n'y a pas que les associations en France.
Il y a aussi celles répondant au droit local.