Farat, un jeune SDF gay

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Ancien membre
05/06/2017 à 15:47

Bonjour, Je veux vous partager - avec ceux qui veulent bien le lire, c'est un texte sur la foi, donc si tu n'as rien à cirer de la religion laisse tomber et ne lit pas plus loin - un texte que j'ai écrit pour ceux dans mon église (l'église orthodoxe russe) qui se pensent "ortho-doxe" en condamnant l'homofilie. Je l'ai fait à partir de plusieurs expériences que j'ai eu, le témoignage qui s'est dégagé, de mon rencontre avec des jeunes sans domicile fixe gays (il y en a beaucoup; les 10% statistiques + une partie des jeunes rejetés par leurs familles à leur coming-out et se retrouvant ensuite dans la rue). Le jeune, T, qui n'a jamais existé tel quel, est un de ces SDF très durs, très abîmés par l'alcool et l'abus vécu au jour le jour, avec un langage de rue. Il a rencontré Farat qui lui a offert de l'amour (bien que dans la rue, la solidarité, l'amitié et l'amour sont quasiment toujours liés à des trafics, donnant donnant quoi). Et j'ai lié cela à la vie de Jésus et interprété ce que lui, il aurait pensé de ces deux jeunes (interprétation, puisqu'il n'a jamais rien dit sur l'homosexualité). En relisant, il faut que je vous dise encore quelque-chose. Le texte n'était pas sensé être un texte "sur l'homofilie" mais "sur la vie des personnes dans la rue". En effet cela faisait partie d'une série d'articles, méditations, sur mes rencontres avec des SDF à la lumière de ma foi. L'homosexualité et le tabou, le rejet ainsi que l'hypocrisie autour d'elle, venait en deuxième plan. Encore une fois, si la foi te gave, ne lit pas. Bien à vous tous, Iann Voici le texte: T me barre le chemin à l’entrée de l’accueil de jour. « Tu sais, cureton, je ne suis pas bien moi, je suis un con, tu voudras plus de moi quand je te le dis mais je suis vraiment un con, un sale pédé comme ils disent. Tu n’aimes pas, hein ?, tu vas me dire que c’est pas bon, non ? Mais je te le dis, je ne suis pas pédé, moi, c’est juste qu’il voulait m’aider, Farat il s’appelle, il voulait me donner un paquet de cigarettes, m’offrir une place dans son squat. Fallait quand même payer, non ?, c’est lui qui a commencé, tu sais, a commencé à me peloter, me tripoter, puis il m’a enculé, je n’ai pas aimé, pas aimé du tout, je lui en ai voulu, mais il était bien, tu sais. Tu comprends pas non ?, t’es un curé machin truc, t’es parfait toi. Mais nous, nous sommes dans la rue, tu sais, doit tout payer. Et on est seul, très seul, et lui, il m’a écouté, pouvait tout lui dire, pouvait même pleurer, ça se fait pas, pleurer, dans la rue, mais chez lui je pouvais. Et alors j’ai commencé à aimer être avec lui, de le sentir près de moi, de jouer un peu avec sa queue. Enfin, tu vas me juger, non ?, mais j’ai aimé, il me faisait bander, décharger, après j’étais mieux, me sentais bien, libéré, quelqu’un. Sais pas quoi, moi, suis pas psy, moi, mais cela me faisait du bien. Mais tu sais, dans la rue, ils détestent les pédés et je pense qu’ils l’ont tué, je l’ai vu en sang, il est mort, merde !, il est mort, c’était un bon mec, ils l’ont tué, merde, merde, merde ». Suit l’autopsie, des investigations par la police, puis des procédures pour savoir qui doit payer l’enterrement. Trouver la famille, discuter, négocier… Finalement, Farat est enterré sans prières, loin du tombeau familial. « N’ont pas voulu de lui, merde. Son propre frère n’a pas voulu de lui, même pas mort. Al-Kafirune. Merde alors. Il a aimé tu sais, a toujours partagé ce qu’il avait, la bouteille, le shit, son…. Enfin. Et lui-là, ce frère, fier de lui, le vrai croyant, qu’est-ce qu’il n’a pas fait, lui… en cachette, avec des femmes, dans les bars de ces soi-disant mécréants? Sa mère a tant pleuré en le sachant là… Putain de merde, n’a même pas voulu l’enterrer avec son père, même pas une petite prière, rien, rien du tout, bordel de merde ! » Les faits sont des vrais faits. Les monologues n’ont jamais eu lieu, mais sont proches, très proches de ce qui aurait pu être dit. Et je les ai écrit au plus proche de cette réalité et dans le langage habituel, au risque de vous choquer. Elles représentent une compilation de ce qui m’a été dit, de ce que j’ai cru entendre… Et elles me font penser à ce que j’ai lu et pensé comprendre… Comme quand Jésus écrit dans la poussière et s’oppose à la punition d’une femme adultère, qu’Il se fait oindre et baiser les pieds par une femme légère… ou qu’Il mange avec un pécheur et collabo… ou encore, raconte une histoire et fait « embrasser » et « fêter » le « salaud » qui a tout brassé dans une vie de débauche… Je ne vois qu’une seule et même Message ; que nous sommes tous aimés tels que nous sommes. Aimés. Cela ne contredit pas que Dieu aimerait nous « donner » - parfois ?, souvent ? - « un coup de pied au fesses ». Justement parce qu’Il aime. Aime. J’entends tant le contraire dans milles formes de moralisme. Moralisme islamique. Moralisme chrétienne (et nous orthodoxes dépassons sur ce terrain de plus en plus les catholiques romains, grands spécialistes). Moralisme républicain aussi, puisque sous couverture de « neutralité » tant de jugement, tant de morale… Que l’on commence d’abord par voir la personne telle qu’elle est, là où elle se trouve, comme elle a pu se construire, comme elle a pu être déformée peut-être… Et que l’on voie ce qui est derrière tout ce que l’on condamne si facilement. « Puisqu’elle a beaucoup aimé ». Je relis ce que T m’a dit, m’a dit véritablement : Il voulait m’aider, Farat. Tu comprends pas non ?, t’es un curé machin truc, t’es parfait toi. Ou traduit : Vous pensez tout savoir, savoir comment il faut vivre, savoir ce qui est bien et ce qui est mal. Mais nous, nous sommes dans la rue et on est seul, très seul, et lui, il m’a écouté, pouvait tout lui dire, pouvait même pleurer, ça se fait pas, pleurer, dans la rue, mais chez lui je pouvais. J’ai aimé, je l’ai aimé, il faisait que j’étais quelqu’un. Et alors, en relisant, je ne peux pas m’empêcher de penser à cette parole de Jésus : « les publicains et prostitués nous procèdent dans le Royaume des Cieux », autrement dit "tous ceux que la société et nos églises rejettent et condamnent, nous procèdent dans le Royaume des Cieux".
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Ancien membre
06/06/2017 à 00:41

Cc j'ai aimer lire ça c'était très beau vraiment c'est très touchant et c'est un beau et fort message et comme Emmanuel je suis convaincue de la parole de Jésus en tout cas merci 4660iann d'avoir fait partager ton témoignage c'est très beau touchant et prenant et poignant à lire..
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Ancien membre
06/06/2017 à 17:52

Merci de ton témoignage touchant, tant par la gravité de l'histoire que tu rapportes que par tes initiatives pour apporter un peu de réconfort à ces personnes. La survie des humains n'est pas possible sans leur solidarité. Et leurs tombes nous apportent la preuve que depuis des temps immémoriaux leur attachement mutuel survit à leur mort dans la mémoire des vivants. Et tout ce qui nous en éloigne nous éloigne de ces fondamentaux qui font l'humanité. Evidemment plus facile à dire qu'à faire, mais ça a le mérite d'être simple à comprendre. Cette histoire nous rappelle que dans des conditions extrêmes, que le droit n'atteint plus et souvent irriguées par des substances qui troublent la conscience, des gens peuvent encore faire honneur à l'humanité, troquer minimum vital, affection et même sensualité. Mais aussi être victimes ou entrainés dans la violence. Pendant que des familles peuvent dénier toute humanité élémentaire à leurs proches, tout en se donnant bonne conscience en suivant à la lettre des rituels et des principes datant de l'antiquité. D'où tes courageux témoignages aux fidèles, j'espère les avoir bien compris. Mais comment passer sous silence que ces familles excluantes sont aussi victimes du regard des autres, de leur éducation, et que dans cette éducation la peur de Dieu qui leur est enseignée par les religions abrahamiques, la crainte du devenir de leur salut et celui de leur proches, pèsent souvent lourd ? J'ai juste pas envie de tenir un discours hypocrite. L'homophobie qui n'est qu'une des phobies de l'antiquité proche orientale parmi d'autres, est intrinsèque aux enseignements attribués au dieu qui se fait appeler Dieu depuis cinq mille ans. Il était encore innovant lorsqu'il a été révélé, il vieillit mal. Tout juste si il ne reprend pas actuellement ses habitudes de dieu tribal de sa jeunesse. A moins que comme d'habitudes des humains les lui attribuent pour mieux dominer... Oui Jesus, comme Bouddha et d'autres avant lui, a dépoussiéré les croyances antiques. Oui l'homophobie abrahamique s'est probablement amplifiée après lui. Mais pour exister il s'est référé à Dieu. Et le prophète Mohammed s'est référé aux deux, et même aux trois si l'on oublie pas la maman de Jesus. Parfois je me demande si les familles ne sont pas elles aussi victimes de leur homophobie. En tout cas elles en souffrent, même si elles survivent mieux que la déchéance ou le suicide des jeunes gays qu'elles répudient.
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Ancien membre
06/06/2017 à 20:16

Merci 4460iann pour ce témoignage poignant. Quels que soient nos Credo, nos prières et nos serments éternels, nous serons d'abord et surtout jugés sur nos actes. S'en souvenir chaque jour est difficile, le mettre en pratique chaque jour est quasi impossible. C'est pourtant la seule manière d'affirmer notre humanité.
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Ancien membre
06/06/2017 à 21:44

Citation
Pendant que des familles peuvent dénier toute humanité élémentaire à leurs proches, tout en se donnant bonne conscience
Citation
Citation
Mais comment passer sous silence que ces familles excluantes sont aussi victimes du regard des autres, de leur éducation, et que dans cette éducation la peur de Dieu
Citation
C'est vrai que la plupart des gays que j'ai connu dans la rue, l'étaient comme Farat en étant rejetés par leurs familles. Je veux y revenir une autre fois, mais d'ores et déjà, ce phénomène commence à être connu par un livre comme "Casse-toi" et un film comme "Baisers cachés". Il faudra probablement encore un long combat pour faire arrêter cela et, hélas, hélas, la religion a tendance à aggraver la situation, surtout que l'on voit aujourd'hui dans la plupart des religions un retour aux "valeurs sures", au "law and order", aux "bon vieux moralismes". Alors, je pense qu'il faut témoigner, encore et toujours témoigner de l'amour.
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