Un si joli petit village. Âmes sensibles s'abstenir.

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Montana
03/06/2025 à 20:08

Allongée sur le canapé noir, la tête reposant sur ses deux mains à l’accoudoir, Anna battait le vent avec ses pieds. Fermant les yeux, elle écoutait la pluie qui frappait la fenêtre du salon. Ses fines boucles rousses descendaient le long de son visage rond et caressaient ses doigts.

La jambe gauche de son pantalon émettait un frottement à chaque battement contre le tissu du canapé. Elle s’assoupissait après le repas que lui avait fait sa mère, il en devenait normal de céder au sommeil.

Elle sentait la chaleur d’un soleil d’été sur sa peau nue. Son corps de jeune fille cuisait sur un sable chaud. Elle enfonçait profondément ses pieds dans le sol qui était d’une température si douce. Le bruit de la mer au loin, elle se laissait aller à cette simple sensation. Alors qu’elle ne pensait plus à rien, un corbeau se posa près d’elle. Il avançait vers sa tête en sautillant légèrement et lui tapa de son bec de charognard le dessus de son crâne.

Elle agita sa main droite, sans ré ouvrir ses yeux, pour faire fuir l’oiseau. Il s’écarta à peine et recommença mais un peu plus fort. Il poussa des cris perçants, ses fins yeux noirs grossissaient. Alors qu’il devenait insupportable, Anna ouvrit en grand ses paupières et fixa le corbeau, mais se tenait alors à sa place, le visage de sa mère qui hurlait de même. Les yeux de cette dernière s’exorbitaient à chaque hurlement. Sa mère devint rouge de colère.

C’est toute la peau du visage qui commença à craquer et de nombreuses petites crevasses rouges apparaissaient. Anna recula en s’aidant de ses mains et de ses pieds tout en restant au sol. Elle avait les yeux écarquillés devant cette scène. Le ciel n’était plus azur mais sombre et il commençait à pleuvoir. La mer avait disparu et avait fait place à un grand terrain vague plein de vieilles herbes et de détritus. La pluie commençait à rendre la terre malléable et Anna glissait à chaque mouvement pour se déplacer.

Soudain elle tomba. Elle releva la tête et chercha le visage maternel du regard mais ne vit rien, à part le paysage gris et les différents détails du décor. Alors qu’elle se penchait un peu plus en s’appuyant sur les restes d’un arbre mort un peu au-dessus d'elle, le corbeau réapparut sur un bout de branche de ce dernier et émit encore son cri perçant.

Anna tomba encore et sa tête percuta une chose très dure. Elle rouvrit ses yeux en poussant une forte expiration. Elle était couchée sur le dos sur le tapis qui se trouvait près du canapé. La pluie battait toujours la fenêtre. Anna entendis un bruit venant du dehors. Elle se releva rapidement et courut vers la fenêtre du salon. Elle regarda et s’aperçut qu’il y avait de l’autre côté de la rue un camion de déménagement. Quatre hommes venaient de descendre de celui-ci et commençaient à le décharger de son contenu rapidement.

Anna savait depuis plusieurs mois déjà, qu’une nouvelle famille devait s’installer dans cette demeure. Elle attendait ce moment avec impatience, car dans le petit village où elle se trouvait il n’y avait guère de personne et surtout d’enfant. Elle espérait qu’il y aurait plusieurs enfants avec lesquels elle pourrait jouer pendant des heures, peut-être une fille de son âge à qui elle pourrait confier ses plus intimes secrets.

Le couple d’une quarantaine d’année avait une petite fille de neuf ans tout comme Anna. Cette dernière s’appelait Carrie. A son arrivée dans l’école Anna fut la première à venir vers elle. Elle lui expliquait où elle habitait, le nom des autres enfants de leur âge, ceux qu’elle aimait et ceux qui ne lui plaisaient pas. Pour terminer elle l’invita à passer chez elle quand elle voulait.

Comme chaque mercredi, il n’y avait pas d’école. En ce mois de Novembre, il pleuvait pratiquement tous les jours. En tout cas le soleil ne se montrait pas souvent. Carrie regardait une émission et changeait consécutivement. La télé l’ennuyait, tout comme cet endroit. Elle était obligée de suivre ses parents, même si elle laissait tous ses amis, tous les lieux où elle aimait aller, même si cela n’empêcherait pas les disputes entre son père et sa mère. Elle savait qu’à son âge on ne choisissait pas. Elle faisait juste de son mieux.

Mais comme elle s’ennuyait elle pensa à Anna. Elle s’approcha de la fenêtre donnant sur la maison de celle-ci pour jeter un coup d’œil. Les rideaux étaient tirés ainsi que les volets. Apparemment ses parents travaillaient tout comme les siens, il n’y avait pas de voiture garée dans l’allée en face du garage. Elle décida tout de même d’aller voir si Anna était là.

Elle mit son manteau. Ses parents l’avait autorisé à aller chez Anna car ils s’étaient mis d'accord également avec les parents d'Anna préalablement. Carrie referma à clé la porte de sa maison puis se tourna vers celle d'Anna. La rue était déserte et un vent assez fort soufflait. Le ciel était gris et une faible pluie tombait sur le village. Carrie regarda à gauche et ensuite à droite avant de traverser. Alors qu’elle passait la petite barrière de la propriété, elle aperçut le rideau de la fenêtre du salon bouger. Elle se dirigea vers la porte d’entrée. Sur la pointe des pieds elle appuya une fois sur la sonnette. Quatre secondes plus tard Anna ouvrait la porte.

La porte s’ouvrit sur le large sourire qu’offrait Anna à Carrie. Tout paraissait sombre à l’intérieur. Anna était très heureuse de se retrouver enfin avec quelqu’un avec qui s’entendre. L’amitié d'Anna et Carrie commença, devant un jeu de carte, puis d'une collection de poupées. Plus le temps passait, plus elles se confiaient l’une à l’autre. Anna n’avait aucun réel souci. Ses parents se disputaient rarement et encore plus rarement devant elle. Carrie souffrait des disputent de ses parents. C’est pour cela que Carrie commençait à passer beaucoup plus de temps chez Anna.

Les mois passaient et enfin Carrie rentrait au collège. Comme il n’y avait pas d’établissement de cette taille au village il lui fallait prendre un bus tôt le matin. Le bon côté des choses, c’est que Carrie se retrouvait avec Anna dans la même classe. Le jour de la rentrée sa mère la préparait. La veille, ils s’étaient encore disputés et son père l’avait battue. Une sombre auréole entourait son œil gauche. Carrie regardait en silence sa mère la préparer et parler tout bas. De manière habituelle mais de façon brutale Carrie se laissait habiller, coiffer. Pendant la première semaine il en fut ainsi, sa mère la préparait mais elle l’avait prévenu qu’il lui faudra le faire seule après, car elle n’avait pas beaucoup de temps. Les soirs Carrie se coinçait les oreilles dans son oreiller pour ne pas entendre les cris de ses parents, surtout de sa mère.

Carrie se trouvait dans un couloir. De faible néon l’éclairait, grésillant parfois, et au bout de celui-ci de faible gémissement. Elle avançait, appuyant ses mains contre le mur de droite. Plus elle avançait, plus les pleurs devenaient distincts. C’était sa mère qui pleurait. Une porte entrouverte, qui laissait un fin passage de lumière, se trouvait en face de Carrie. Se détachant du mur, elle avança très lentement vers l’entrée. Elle poussa légèrement la porte qui grinça en s’ouvrant. Celle-ci donnait sur la cuisine de la maison. Un carrelage bleu reflétait la lumière vive de la pièce. Sous l’effet de celle-ci d’ailleurs, Carrie plissa les yeux. Rien de particulier ne lui sauta aux yeux. Tout était à sa place. En face de la porte se trouvait le plan de travail dont se servaient ses parents pour cuisiner, collée à celui-ci la cuisinière. A cause de sa petite taille elle ne voyait pas ce qu’il se passait, mais elle entendait toujours sa mère pleurer.

Alors qu’elle longeait la cuisinière, elle appela sa mère mais elle ne répondit pas. Elle arrivait en face du meuble de cuisine qui formait un coin. Derrière elle, se trouvait des armoires qui contenaient divers ustensiles. Le froid du carrelage lui piquait les pieds, mais elle sentait déjà un liquide chaud lui réchauffer ces derniers. Immobile, elle se tenait face à sa mère qui était assise dans le coin tenant son mari, la tête sur ses genoux, le reste du corps étendu de tout son long dans une mare de sang. Une des mains du père se trouvait sur les tibias de la mère et l’autre sur un de ses seins. Au pied de la mère se trouvait un long couteau. La femme reniflait et fixait la lame souillée de sang. Lentement elle repoussa le cadavre de son époux. En tombant dans la flaque rougeâtre, celui-ci tourna le visage vers sa fille et la fixa de ses yeux blancs et livides. Carrie regardait terrorisée. D’énormes plaies apparaissaient sur le torse et le ventre de ce dernier. Un flot lent se déversait et continuait à alimenter la mare de sang. La mère se releva et pris le couteau, elle regarda sa fille et éclata dans un léger sanglot.

Carrie ouvrit ses yeux en grands de stupeur et faisait signe de la tête à sa mère de ne pas s’approcher. Mais continuant à pleurer elle avançait vers elle. Carrie alors essaya de reculer, mais glissa à cause du liquide qui tournait au pourpre. Elle n’arrivait pas à bouger et sa mère continuait dans sa direction. Carrie commençait à pleurer. Elle lui disait non maman, mais cela n’arrêtait pas sa mère. Alors qu’elle crut qu’il en soit fini de son occasion de fuir, sa mère longea le meuble de cuisine pour passer la porte ouverte que Carrie avait juste avant ouverte. Celle-ci avançait toujours aussi lentement. Carrie arrêta de pleurer et regarda sa mère disparaître par la porte. Pour se relever elle s’aida du meuble des couverts. Sa robe blanche de nuit lui collait à son corps et le sang de son père teintait à présent ses vêtements. Elle lui jeta un dernier regard et s’en alla en faisant attention de ne pas glisser.

La porte donnait à présent sur l’escalier de l’entrée qui menait à l’étage. A l’étage se trouvaient les chambres et une salle de bain. Il y faisait très sombre également mais Carrie regardait sa mère qui montait lentement. Le bois des marches craquaient sous la pression des pas. Carrie commença également à monter pour suivre sa mère. Le sang de sa robe coulait sur le tapis qui absorbait comme par magie ce dernier. Arrivé en haut Carrie n’avait plus de trace de sang. Sa mère se dirigeait vers une porte fermée. Carrie la reconnut rapidement car c’était celle de sa chambre. Elle sentit un froid lui parcourir l’échine qui lui glaça le dos et chacun de ses membres. Elle fit encore non de la tête mais sa mère pénétrait déjà à l’intérieur.

Carrie à pas hésitant avançait vers sa chambre et se mit sur son lit. Les larmes ne cessaient de couler des yeux de sa mère. Carrie ne s’empêcha pas de hurler, quand sa mère se pencha en s’agenouillant vers son corps reposant sur le lit. Elle arrêta de crier lorsqu’elle se rendit compte qu’elle n’avait avancé son visage que pour embrasser le front de sa fille. La lame du couteau ne menaçait que la moquette épaisse de la pièce. Carrie sentit une chaleur douce à ce moment sur son front ainsi que l’odeur de sa mère. Elle vit alors sa mère se relever et se rediriger vers la porte. Carrie la regarda repasser mais lui dit encore non maman. Carrie se posta à l’entrée de sa chambre et regardait sa mère aller vers une autre porte. C’était celle de la salle de bain. Des larmes coulaient le long de ses joues roses. Elle se redressait sur son lit, angoissée par ce qu’elle venait de voir. Elle sauta de son lit courait vers sa porte et se dirigea vers la salle de bain entre ouverte et poussa sa mère, qui tomba sur le coin de la baignoire en se brisant le cou.

Carrie fixait un endroit invisible à tous. Les lueurs bleues et rouges des véhicules de la police et de l’ambulance apparaissaient et disparaissaient sur son visage. La mère d'Anna la serrait contre son ventre et l’entourait de ses bras. Carrie n’entendait plus rien, même lorsque le policier lui demanda si elle voulait aller chez sa grand-mère. Elle restait figée et paraissait loin de tout. C’est la mère d'Anna qui convint les autorités qu’il valait mieux qu’elle reste avec eux, car leur fille était sa meilleure amie.

Après avoir évacué les corps les parents d'Anna installèrent Carrie avec leur fille. Ses parents décidaient de ne pas les envoyer à l’école et la mère resterait ce jour - là à la maison pour veiller sur elles.

Il était environ quatre heures du matin, Carrie allongée sur un matelas aménagé à la va vite regardait le plafond, et repensait aux visages de ses parents inexpressifs. La lumière de la lune traversait le velux de la chambre et caressait le visage de Carrie, lui donnant une teinte pâle. C’est alors qu'Anna, se trouvant sur son lit, tout près de Carrie, se pencha vers elle et lui demanda si ça allait. Carrie ne répondait pas. Anna demanda si elle était triste, mais là encore Carrie ne dit rien. Alors Anna lui demanda si elle allait reparler, et Carrie tourna lentement sa tête et lui sourit. Dors, fit Carrie tout bas en gardant son sourire.

Elles jouent en haut messieurs, fit la mère d'Anna. Ils se dirigèrent dans le salon, là où la femme les emmena avant d’appeler Carrie. Trois minutes plus tard, Carrie descendait avec une poupée à la main. Un des hommes se leva et lui dit bonjour. C’était un homme relativement âgé, vêtu d’un long imperméable bleu foncé et d’un pantalon noir. Il avait une chemise blanche sur laquelle reposait une cravate noire.

« Je suis l’inspecteur Petit et voici Monsieur Durand, il est psychologue et veut te poser quelque questions ». Le policier l’invita à s’asseoir sur le siège déjà tiré près de lui pour qu’elle se retrouve face au médecin. Carrie s’installa et regarda avec un petit sourire le psychologue. Monsieur Durand le lui rendit et commença à lui demander si elle allait bien, et si elle désirait discuter de ce qui s’était passé la nuit dernière.

« Non, je ne veux pas y repenser, répondit la fillette en jetant son regard sur la poupée. Je veux oublier reprit-elle en re fixant le médecin avec son petit sourire.

« Et est-ce que tu pourrais me parler de tes parents ?. Comment agissaient-ils avec toi ?. Est-ce qu’ils te faisaient du mal ?. Interrogea t il.

« Mes parents ne s’aimaient pas et ils sont morts. Non, ils ne me faisaient pas de mal à part que j’étais triste quand ils se disputaient tout le temps ». Elle retournait vers sa poupée et s’amusait à lui bouger les bras. Monsieur Durand pris un air plus sérieux et arrêta de sourire. L’enfant avait l’air de se porter bien et de ne pas souffrir de l’événement passé.

« Bien Carrie, si tu es d’accord je pourrais passer une fois par semaine, si tu te sens pas bien où que tu veux me dire des secrets. Reprit le docteur.

« Non, j’ai Anna répondit-elle en rigolant légèrement et en agitant la poupée ». Puis elle se leva et retourna en courant rejoindre Anna à l’étage.

« Eh bien je suis heureuse qu’elle aille aussi bien !. Fit la mère.

« Je pense que ce n’est qu’une passade Madame, méfiez-vous tout de même, elle pourrait céder n’importe quand. Je vais tout de même lui prescrire des calmants s’il venait à ce qu’elle souffre de cela.

« Bien docteur répondit tristement la femme ».

Trois ans passèrent et Carrie allait toujours aussi bien. Elle était à présent en cinquième et avait réussi à se faire adopter par les parents d'Anna. Etant donné que son état de santé était fragile, il ne fallait surtout pas l’aggraver en lui retirant ce qui l’attachait encore à ce que les médecins appelaient « le réel ». C’est comme ça qu'Anna et Carrie devenaient les sœurs inséparables.

Hugo était le garçon le plus mignon des classes de troisième. Ses cheveux blond mal peignés, son visage mince attirait bon nombre de jeunes filles. De plus il se faisait respecter de par son comportement relatif aux rires qu’il déclenchait à chaque fois qu’il plaisantait. Bien sur la joie des élèves n’étaient pas partagée par les professeurs.

La dernière sonnerie retentissait et tous se ruaient vers la sortie. Le collège était à présent bien plus silencieux et Hugo, son sac sur son épaule gauche et portable dans la main droite, se dirigeait vers une salle au fond d’un couloir peu éclairé. Alors qu’il approchait de la pièce, il composait un numéro de téléphone. Il avait réussi à avoir celui d'Amélie, la fille qui était en quatrième et qui plaisait à tant de garçons. La chance lui avait souri la semaine dernière pendant une récréation. Alors qu’il amusait ses amis, il pariait qu’il serait capable d’embrasser n’importe quelle fille dans la cour. Ces derniers le mirent à l’épreuve en lui désignant justement Amélie qui se trouvait non loin de lui. Un large sourire aux lèvres, il les regarda et fit un clin d’œil. Il tourna ses talons et se retrouva face à la jeune fille qui lui tournait le dos. Il lui semblait qu’elle effaçait tout autour d’elle. Le vent était léger et elle balançait ses cheveux fins et bruns autours de ses épaules, qui maintenaient un petit sac à dos marron. Elle riait de bon cœur face à ses quatre copines de classe. Il respirait son doux parfum. Il commença à fermer les yeux et sentit au fond de lui une chaleur intense, une joie profonde qu’il n’avait jamais émis jusqu’à présent. Alors qu’il se perdait dans ce sentiment, il sentit une légère secousse sur son épaule droite. Il ouvra les yeux rapidement et constata qu'Amélie se tenait devant lui et avait un regard inquiet. Elle lui demanda s’il allait bien.

La chaleur qu’il sentait monta soudainement pour terminer à son visage. Il se sentait gêné et ne savait que dire. Elle lui demanda alors ce qu’il voulait et pourquoi il était resté derrière elle. Soudain il se laissa aller et ne fit plus attention aux rires des copines d'Amélie. Il lança alors très calmement qu’il fut attiré par une douce odeur et qu'il était obligé d’en fermer les yeux. Amélie laissa apparaître un léger sourire et demanda doucement si cela était du à sa puanteur. Non, s’exclamait-il. Il était encore plus gêné et fondait sous cette chaleur du ressenti ridicule.

« Je plaisante répondit Amélie, c’est gentil de ta part relança-t-elle. Il ne put répondre que par un même sourire accompagné des quelques mots « c’est normal ». Et ce soir là, elle l’attendait pour lui remettre un mot, qui disait qu’elle était de même attirée et qu’il pouvait l’appeler le vendredi soir après les cours.

Le lendemain, ses amis arrêtaient de se moquer de lui et lui souhaitèrent bonne chance, mais en le mettant en garde des autres car elle était convoitée. C’était donc ce soir où il pouvait l’appeler. Elle avait fini beaucoup plus tôt ce vendredi là et il se dit qu’un petit coup de fil lui ferait plaisir. En tout les cas lui en était tout excité. Il s’arrêta à quelques mètres de la salle. Le téléphone sonnait. Il entendit au bout de la troisième sonnerie la petite voix d'Amélie.

« Allô ?. C’est qui ?. La voix faisait fondre Hugo. Il aurait pu juste écouter ces simples mots pendant des heures. « C’est Hugo. Tu vas bien ?. Je suis en colle là et je me demandais si tu faisais quelque chose se soir. « Ce soir, répondit-elle. Hum ce soir, je ne fais rien mais mes parents ne me laissent pas trop sortir, tu sais. Pourquoi, tu veux qu’on se voit ?. « Oui, j’aurais aimé te voir, pas longtemps et on habite pas si loin.« Arrête on habite à plus de 6 kilomètres l’un de l’autre !. Le coupa-t-elle. « Mais ce n’est rien face à l’amour, répliqua-t-il. Elle eut un léger rire. « Tu viendrais vers quelle heure ?. Demanda-t-elle. « A vingt heures, le temps d’arriver en vélo, fit-il en rigolant. « Mais ça va pas te faire tard, en plus il fait nuit tôt en ce moment ! ».

Alors qu’il était plongé dans cet émouvant dialogue, la porte de la pièce s’ouvrit et un homme de corpulence moyenne, et aux cheveux noirs apparut.

« Hugo ! Tu te dépêches de faire ton heure de colle s’il te plait !. Dit-il fermement. « A tout à l’heure !. Termina rapidement Hugo et en raccrochant répondit au surveillant qu’il n’y avait pas le feu. Les néons au plafond éclairait la pièce de façon relativement terne. Le bureau du surveillant se trouvait juste en face d’un tableau à marqueur. C’était une toute petite pièce où se trouvait treize petits bureaux pour les élèves. Elle était destinée à la base pour les élèves attendant leur parent et devenait parfois pièce d’isolement pour d’autres. En entrant, Hugo se rendit compte qu’il faisait déjà sombre dehors par l’intermédiaire de la fenêtre. La pièce quant à elle n’étant pas très éclairée, elle donnait une ambiance assez froide, obscure. Son regard se porta alors sur les deux filles qui se tenaient au dernier rang de droite face au tableau. Le surveillant, qui s’était remis à sa place à son bureau à droite de l’entrée, demanda à Hugo de venir s’installer au premier rang devant lui. Hugo acquiesça de la tête, mais ne lâcha pas son regard du duo féminin qu’après trois ou quatre secondes. Il savait qui elles étaient mais c’était la première fois qu’il se retrouvait avec elles en heure de colle.

C’était un petit collège ne regroupant qu’environ cinq cent élèves et l’histoire de ces deux filles avait fait le tour très rapidement. En trois ans tous les enfants les craignaient et on en parlait comme des sorcières dans leur dos. La première histoire remontait à la rentrée en cinquième. Les professeurs avaient retrouvé un élève en bas d’un escalier, d’un des nombreux couloirs, dans le coma. Personne ne put dire la cause de cet incident. L’élève ne revint jamais et les parents disparurent également. Tout le monde parlait d’un déménagement hâtif. Ce qui par la suite amena à penser que ces deux jeunes filles étaient une des raisons de cette énigme, ajoutée à quatre autres, fut à cause d’une élève se prénommant Carole. Cette dernière était du genre à se mêler de tout. En fait, alors qu’elle avait quitté son cours de français en retard, elle s’en allait en récréation pour le peu de temps qui lui restait. Elle venait de finir un contrôle dans lequel elle avait répondu à beaucoup de question. Toute fébrile, elle courait vers la première cage d’escalier communiquant à la sortie donnant directement à la cour où se trouvaient ses amis. Comme d’habitude les escaliers étaient plongés dans le noir et elle ne prit pas le temps d’allumer car on distinguait assez les marches même dans cette légère pénombre. Rapidement, elle les descendait et alors qu’elle arrivait au second étage, elle entendit des chuchotements et de léger gémissement. Elle s’arrêta net et ressentit un effet bizarre, comme un nœud au fond de sa gorge. Tout le monde parlait de ces accidents d’élèves dans l’escalier et la plupart en rigolait. Mais Carole ressentait que dans cette cage il se passait quelque chose. Elle essaya de pencher sa tête pour savoir ce qu'il ce passais, mais elle ne voyait rien. Tout paraissait plus sombre encore en descendant. Les gémissements s’accentuèrent en même temps que les chuchotements et Carole su qu’ils étaient plusieurs. Elle sentit la peur l’étreindre et n’osait plus bouger. Soudain c’est la voix d’un garçon qu’elle entendit qui disait non en pleurant. Carole n’hésita plus et dans un élan appuya sur l’interrupteur du couloir qui jeta sa lumière sur les ténèbres.

Carole sentit alors cette peur s’envoler et rechercha d’où venaient les pleurs. Elle descendit sans faire de bruit quelques marches et comprit alors. Ce jour là on retrouva le corps d’un jeune garçon en bas d’un escalier. Le lendemain, Carole refusait de retourner à l’école. C’est seulement ses parents qui connaissaient la raison car ils l’avaient poussée à tout dire. Ce qu’ils firent c’est d’en informer le directeur. Le directeur promit de mettre en place un système de sécurité dans les couloirs et de mobiliser quelques surveillants également. Une semaine venait de s’écouler et on retrouva Carole dans le coma.. Après plusieurs recherches dans ses affaires personnelles, on retrouva seulement deux prénoms inscrit sur un brouillon d’un des nombreux exercices de Carole. Au crayon sur le papier on lisait facilement « Anna et Carrie ».

Ce qui déclencha la panique générale fut lorsque la police vint chercher les deux jeunes filles à l’école. Tout le monde était au courant. Ainsi Anna et Carrie étaient rejetées. Les professeurs quant à eux pensaient pouvoir soutirer quelques informations à ces dernières, mais elles ne disaient rien et n’étaient au courant de rien. D’ailleurs elles ne furent pas inculpées car elles se trouvaient toujours dans la cour de récréation les jours où les incidents eurent lieu.

Hugo copiait sa punition. Le stylo roulait sur la feuille de papier émettant un fin craquement. Souvent, il remontait la tête pour regarder le surveillant qui lisait tranquillement son livre. Il ne pensait qu’aux deux autres derrière. Ses yeux glissaient dans leur orbite vers l’extrémité gauche lorsque le silence devenait insupportable, vers l’endroit où s’étaient assises les deux inquiétantes filles. Elles étaient souvent collées pour leur insolence. Au cours des années elles changeaient. Du fait que personne ne leur parlait, elles étaient toujours dans les coins où personne ne pouvait les voir. Les couloirs étaient devenus leur domaine. En fait, Hugo était nouveau et il venait d’emménager dans un village à quatre kilomètres. C’était sa première année et le premier conseil qu’on lui donna était de se méfier d'Anna et de Carrie. Mais il remarqua que jusqu’à présent, il ne s’était rien passé et aucun incident. Mais tous les enfants les évitaient jusqu’à craindre les heures de retenues où elles passaient leur temps. Vêtues que de noir, elles initiaient à la crainte. Leur élocution douce et raffinée donnait des sueurs froides. A chaque mot, elles donnaient l’impression d’envoûter. Mais personne ne voulait les regarder dans les yeux.

Quand il pensa à ce détail, Hugo releva la tête et écarquilla les yeux. C’était vrai, il n’avait jamais vu les yeux d'Anna ou de Carrie. Il se re - pencha sur sa copie et commença à se demander ce qui lui arriverai s’il s’y risquait. Après tout il y avait le surveillant. Une chaleur l’envahit. Elle était différente de celle qu’il avait éprouvée à l’égard d'Amélie. Il avait peur. Une crainte qui le faisait hésiter au point d’en transpirer. Soudain, il inspira et tourna légèrement la tête. Ses yeux se précipitèrent à leur extrémité. Son menton allait toucher son épaule et à ce moment là il vit Anna et Carrie qui le fixaient. Ils s’échangèrent un regard intense. Les yeux bleu d'Hugo étaient absorbés par ceux des deux filles comme un trou noir absorbant tout organisme. Il n’arrivait plus à expirer l’air, qu’il avait gardé, quand Anna et Carrie laissèrent apparaître en même temps un petit sourire.

Il se retourna instantanément en relâchant bruyamment son souffle, ce qui intrigua le surveillant qui le fixa un léger moment avec des yeux fins. « Tu as fini ?. Demanda le surveillant. « Non, je.. Hugo avait l’image des deux filles dans la tête. Leurs yeux en amande, noirs, incrustés dans deux orbites entourés de maquillage sombre. Dans ce coin de la pièce il n’avait entrevu que leur mince visage. Tout le reste était confondu avec le peu de ténèbres qui les entouraient. C’était comme si elles sortaient de nulle part et ne faisaient que paraître leurs visages.

Oui ?. Non ?. Reprit le surveillant. Quoi ?. Hugo en sursauta et déclencha le rire d'Anna. Un léger rire comme une petite brise parcourant la pièce. Hugo sentit un air froid le long de son cou et cela le paralysa et accentua sa crainte. « Bientôt, répondit-il au surveillant. Hugo ne savait plus quoi faire. Maintenant qu’il les avait vues, allait-il finir comme les autres. Il se décida qu' a la fin de l’heure de retenue, il irait les voir et leur demanderait sérieusement si tout était vrai sur elles. Le temps passait et il comptait même les secondes.

Anna regarda sa sœur. D’un léger mouvement des lèvres, elle lui demanda comment elle le trouvait. Carrie répondit de la même façon. « Qui ?. Le surveillant ?. Demanda-t-elle avec un léger sourire. Anna fit un sourire en coin. « Il est mignon, reprit Carrie. Mais tu sais qu’il ne faut pas, Ils ne seraient pas contents. « Je sais, fit Anna en acquiesçant de la tête lentement. C’est dommage. " Ne t’en fais pas, un jour on pourra, il faut attendre. " Termina par dire Carrie.

" Bon encore six minutes," fit Eric. Il était devenu surveillant à mi-temps et le faisait depuis trois ans maintenant. Il entreprenait en même temps une maîtrise en psychiatrie.

Il avait hâte de quitter cette petite ville située au centre d’une ramification d'un village perdu en pleine campagne. Remarque s’il venait à être psychiatre, il serait bien le seul de la région. Cette idée le faisait sourire à chaque fois.

" Bon allez, c’est fini pour aujourd’hui, rentrez chez vous." Eric ferma son livre, dont les pages de couverture étaient cornées. Il se leva en raclant le sol avec les pieds de sa chaise. Le bruit qu’ils émirent fit grimacer Hugo. Les trois jeunes gens le regardèrent passer la porte. Quand ils n’entendirent plus le son de ses pas dans le couloir, ils restaient encore là sans bouger.

Hugo commençait à sentir sa tête tourner. Il ferma les yeux et resta face au tableau et il se disait " je suis mort...". Alors qu’il se perdait dans sa peur, il sentit un léger souffle froid sur le lobe de son oreille. Il rouvrit lentement les yeux et sa bouche fit de même. Ses mains tremblaient. Fixant le tableau. Anna s’était avancée et amusée à lui souffler dans l’oreille, " tu es toujours vivant", elle recula légèrement sur la droite et commençait à rigoler doucement puis plus fort.

Hugo ne put empêcher des larmes de couler. " Non, s’il vous plait, gémit-il. " Arrête Anna, dit Carrie qui n’avait pas encore bouger de sa place. Anna regarda sa sœur avec un grand sourire et fit la moue à cette demande. " On ne peut jamais s’amuser." Lâcha Anna tout bas.

Carrie se faufilait entre les quelques bureaux qui la séparaient d'Hugo pour le rejoindre. Ce dernier avait arrêté de pleurer mais n’osait pas encore bouger. " Prends ça ", Carrie tendait un mouchoir en papier à Hugo. Il hésitait à tourner la tête pour la regarder puis il se décida à lui faire face. Soudain, ses craintes s’évanouirent. Il se rendit compte que seul son imagination l’avait tracassé. Malgré l’accoutrement sombre de Carrie, il n’y avait rien de terrifiant. Perdus dans deux cercles sombres de maquillage, de fines lèvres, dont elle en avait repassé les contours avec un crayon noir. Ces lèvres qui à présent lui offrait un léger sourire, mais qui l’inquiéta plus que de le rassurer.

" Ne t’en fais pas nous n’allons pas te faire de mal", continua Carrie. D’ailleurs, nous n’en faisons jamais. Elle sourit et laissa apparaître légèrement ses dents. Elle se tourna et s’avança près de la fenêtre. " On dit beaucoup de chose à notre sujet mais tout est faux tu sais." Poursuivit-elle. " Ah… d’accord, répondit tout doucement Hugo. Anna alors se dirigea rapidement vers Carrie pour lui chuchoter quelque chose à l’oreille. Carrie regarda intensément sa sœur dans les yeux et fit un signe de tête négatif. Hugo assistait et se sentait de plus en plus mal à l’aise.

" Il vaut mieux que tu t’en ailles, reprit Carrie. " Quoi"? Fit-il en fermant à moitié ses yeux. Attendez je… Enfin comme tout le monde n’a pas l’air de vous aimer… " Tu es nouveau ?. Coupa Anna. Tu es mignon tu sais. Moi si tu veux me parler, il n’y a pas de problème. Elle gardait un sourire mais qui semblait plus nerveux que sincère. " Je…Oui pourquoi pas mais… . " Arrête Anna ,Carrie éleva la voix et regardait à présent sa sœur sévèrement. " Vous n’avez pas le droit de parler aux autres ", demanda timidement Hugo. La conversation commençait à satisfaire sa curiosité mais qui devenait constante face aux nombreuses interventions de Carrie. " C’est vos parents" ?. Reprit-il. Carrie pencha sa tête vers Hugo. Ce regard terrifiait le garçon qui ressentait sa crainte s’éveiller à nouveau. " Va - t - en", Carrie avait baissé sa voix de façon à paraître plus grave. Hugo la regarda et jeta son regard sur celui d'Anna qui avait l’air déçue. D’ailleurs elle haussa les épaules et lui fit un petit clin d’œil. " Ca sera pour une prochaine fois". Termina Anna.

Hugo hocha de la tête et ramassa son stylo et son sac en laissant sa feuille sur le bureau. Les yeux bien ouverts, il restait face à elles. Avant de passer la porte, il dérangea un bureaux faisant grincer les pieds sur le sol. Dans le couloir il n’y voyait rien. Un silence régnait alors que dans la journée il était rempli d’élèves. Il jeta son sac sur ses épaules et courut jusqu’au bout du couloir sans allumer la lumière. Passées les portes battantes qui séparaient ce dernier du hall d’entrée donnant accès à la cour, il se dirigea vers le garage à vélo où il ne restait que le sien.

Il l’enjamba et pédala lentement vers la grille de sortie restée ouverte. En quittant l’établissement il regarda les bâtiments. Plus aucune lumière n’était allumée, même pas celle de la salle de retenue. Il s’arrêta et posa son pied droit pour attendre de voir si Anna et Carrie sortaient. Peut-être sept minutes passèrent mais il ne vit ni l’une, ni l’autre sortirent par la porte d’entrée. « Peut-être y a-t-il une autre sortie » Pensa-t-il. Il passa alors la grille et se mit en route pour aller chez Amélie.

" Amélie" ! Appela sa mère. C’est pour toi, un jeune homme. Entrez jeune homme, dit-elle en s’adressant à Hugo. Il répondit juste un merci timidement et s’avança pour qu’elle puisse refermer la porte. Après quelques secondes il vit Amélie descendre des escaliers. Le bois craquait à chaqu'un de ces pas. Elle avait un jeans avec un petit pull rose. Un sourire aux lèvres, ses cheveux se balançaient. « Ca va ?. Demanda-t-elle. " O…oui, fit tout bas Hugo. " Pas longtemps Amélie, reprit sa mère. On mange dans une demi-heure. " Oui maman, répondit-elle en soufflant légèrement. " De toute façon le temps que je rentre, comme il est tard je ne reste pas longtemps, rajouta faiblement Hugo. Amélie s’amusa de sa timidité en lui tapant dans le bras doucement. Avec un petit rire elle lui fit signe de la suivre. Ils montèrent donc à l’étage. Alors que les marches craquaient de nouveaux sous leur poids, il ne put s’empêcher de porter son regard sur les fesses d'Amélie. Lorsqu’il prit conscience de cela, il en devint tout rouge. Arrivée en haut Amélie lui indiqua la première porte à gauche, là où se trouvait sa chambre.

Remarquant qu’il rougissait elle rajouta qu’il ne fallait pas être aussi timide. " Je…non…. Il en devint plus rouge. Amélie rigola légèrement. Il s’assit sur la chaise du bureau. Apparemment elle faisait encore ses devoirs. Des cahiers ouverts et feuilles reposaient sur le bureau. " Je suis en train de bosser sur un devoir de science à rendre pour vendredi prochain. Lança Amélie. " Ah. d’accord. Fit simplement Hugo. " Alors comment s’est passée ta journée ?. Reprit-elle. " Bien, enfin à part que j’ai été collé parce que je parle trop. Dit-il avec un grand sourire. " Ca me fait plaisir que tu sois venu, en plus il fait froid ça doit être embêtant en vélo. " Non, c’est revigorant tu sais, dit-il en rigolant. J’avais envie de te voir, même si ce n’est pas longtemps. Il commença à rougir. Tu es vraiment très belle, je trouve. Il fondait comme un glaçon. Elle le regardait de son lit où elle s’était assise quelques instants plus tôt. " Tu veux écouter de la musique ?. Demanda-t-elle. " Oui, pourquoi pas. Elle se levait pour se diriger vers une petite étagère de bois de sapin. Il y avait dessus des petits bibelots, cadres, livres et une petite chaîne hi-fi. Elle cherchait un compact disque sur le coté de l’appareil quand Hugo dit soudain " J’ai parlé aux deux sorcières au fait ". Amélie tenait un disque mais ne bougeait plus. Elle resta comme ça quelques secondes jusqu’à ce qu’il reprenne la parole.

" Ca va ? Qu’est-ce qu’il y a ?. " Comment ça tu leur as parlé ?. " Oui, je…enfin j’étais en colle et elles aussi et à la fin je me suis dit pourquoi pas aller leur parler. C’est vrai qu’elles ont l’air effrayantes mais en fait elles sont très gentilles. Il acquiesçait de la tête quand il eut fini. " Sympas ?. S’exclama Amélie. Elle commençait à s’énerver ce qui gêna Hugo. " Oui, sympas. Bizarres mais gentilles. " J’étais avec elle en cinquième tu sais, je les ai bien connues. Hugo la regardait en plissant les yeux, il allait assouvir sa curiosité. Elles, tu sais, elles ne sont plus comme nous. Le premier s’appelait Jean Ligot. Il habitait pas loin. Quand les professeurs le retrouvèrent en bas d’un escalier sans trace de chute, sans rien !. Amélie commençait à renifler. " Ecoute, si tu ne veux pas en parler, interrompit Hugo. " Mais ce n’est pas ça ! Tu es bête ! Protesta-t-elle. Jean, Alexandre, Denis et Laure. Tous tombèrent dans le coma comme ça !. Tu te dis bien que c’est pas normal !. " Ecoute moi je ne pense pas que ce soit… " Mais tu ne sais rien !. Des larmes coulaient le long de ses joues colorées par la chaleur qu’elle dégageait. Après se fut au tour de Carole. Mais elle les avait vues. Oui tout le monde le sait ça. C’était il y a trois ans. Les parents, après ces accidents déménageaient de la région. Ils étaient tous mes amis. Je les connaissais depuis l'école primaire. Hugo la regardait pleurer sans savoir quoi dire. Il avait parlé à ces filles et même s’il en avait eu peur, il se rendait bien compte qu’il ne c’était rien passé.

" Je suis désolé pour tes amis, mais il ne m’arrivera rien tu sais, puisque je leur ai déjà parlé. Je serais dans le coma aussi sinon. Amélie s’essuya les yeux en renifla légèrement. " Tu sais depuis la primaire, quand l’une des deux a perdu ses parents, tout le monde était très gentil avec. Mais après, elle n’allait pas bien. Je comprends que de perdre comme ça ceux qu’on aime ça doit être dur mais elle a changé et ça a changé sa sœur. " Comment elles s’appellent au fait. J’ai remarqué que personne ne disait leur prénom. " Les professeurs non plus ne les prononce pas. Ils les ont séparés quand il y a eu des propos sur elles. Ils pensaient calmer les élèves comme ça. Mais il y eut deux encore, deux qui étaient dans la même classe qu’une des sœurs. Ils les ont laissés alors ensemble de peur que cela recommence. " Mais qu’est-ce qui prouve que c’est bien elles !. Hugo ne comprenait pas comment tout le monde pouvait être aussi sur de cela. Elles m’ont affirmé qu’elles n’y étaient pour rien. " Tu les crois ?. Tu es bête, enfin c’est normal tu n’es pas là depuis longtemps. " Dis-moi leur prénom. Hugo pensait ainsi aboutir à une chose évidente et qui échappait à tous. " Ce ne sont que de vulgaires prénoms, tu sais. " C’est pas grave ! Vas-y dis les moi, s’il te plait.

Amélie fit un signe de la tête négatif et se dirigea vers son bureau. Elle y prit un stylo et écrivit quelque chose sur un bout de papier. Elle déchira le petit bout où elle y avait écrit. " Tu devrais t’en aller, il est tard. Je pense que tu devrais appeler tes parents pour qu’ils viennent te chercher. Ca serait plus sur en tout les cas. " T’en fais pas, je suis habitué à traîner tard et mes parents ne mangent que vers neuf heure. " Tu en as de la chance.

Ils se dirigèrent de nouveau vers l’escalier. Hugo regarda le poing fermé d'Amélie qui tenait le bout de papier. Il avait l’impression qu’elle détenait le secret de tout l’univers et qu’il ne fallait surtout pas en donner l’information, sous peine d’en mourir. En face de la porte elle lui sourit. Il la regardait et restait sous le charme malgré qu’elle ait les yeux rouges en ayant pleuré. " Ca ma fait plaisir que tu sois passé. " On pourrait se revoir demain si tu veux. " Non, mes parents vont voir ma grand-père, enfin tu sais ce que c’est. " Oui, le week-end de visite, répondit-il en rigolant. " Oui, c’est ça, dit-elle en baissant la voix. On se verra lundi ?. " Oui, dit-il avec un large sourire. A moins que l’on ne supprime les cours. Il rigola. Les yeux d'Amélie brillaient et il sentait qu’elle voulait encore pleurer. T’en fais pas reprit-il. " Ecoute, tiens mais ne les regardes seulement quand tu seras chez toi, d’accord ?. Elle lui tendit le bout de papier. « D’accord, fit-il.

Elle lui ouvrit la porte et un vent frais leur souffla au visage. " Brrr, il commence à faire froid, s’exclama Hugo. Elle avait un léger sourire mais était toujours triste ou peut-être avait-elle peur ?. Il sortit et attrapa le guidon de son vélo qui reposait sur le mur près de la porte. Bon j’y vais !. Reprit-il. " Tu es sur que tu ne veux pas appeler tes parents ?. Ils doivent s’inquiéter, il est plus de vingt heure. " Non, ne t’en fais pas. Il lui fit un clin d’œil. Il enjamba son vélo et mit son pied sur la pédale. Quand faut y aller ! Lança-t-il. " Attends !. Poussa légèrement Amélie.

Elle s’approcha près de lui. La porte d’entrée était entrouverte et un petit fil de lumière les éclairait. Il la regarda mais ne dit rien. Elle ferma les yeux lentement et commença à tendre son visage vers lui. Il savoura ce moment, ses lèvres tendres et roses qui s’approchaient doucement. Il ferma alors les yeux et approcha alors les siennes à son tour. Il sentit la chaleur du contact, son premier baiser. Il sentit contre sa joue le souffle chaud et court, la salive légèrement humide, les mains d'Amélie s’attacher à son corps. Il fit de même avec sa main en lui prenant son épaule et en frottant doucement son bras. Cela ne dura peut-être que quelques secondes mais il n'en oublierait aucun moment jusqu’à la fin de ses jours. Un sourire de joie aux lèvres il s’éloigna. Elle le regardait ainsi partir, rentra et referma sa porte. Le fil de lumière disparu.

Il pédalait à fond, porté par cet amour. Il sautait par-dessus les quelques trottoirs, faisait des petites roues arrière et ne cessait de rire. Bientôt, il arrivait à la sortie de la ville et devrait emprunter une route de campagne. Après tout, pour ce qu’il venait de vivre, six kilomètres sur une route n’étaient rien. La ville avec ses petites rues, dont certaines pavées, était éclairée par des lampadaires anciens. Il regardait le ciel, mais se rendit bien vite compte qu’il n’y avait aucune étoile ce soir là. Il pensait tellement à elle. Cette chaleur, cette douceur. Quelle chance j’ai, pensa-t-il. Il se perdait encore dans le souvenir qu’il ne remarqua pas qu’il fût déjà sorti de la ville. Quand il s’en aperçut, il s’arrêta et regarda en arrière. Seulement le scintillement de quelques lumières lui parvenait. C’était comme si une brume dissimulait les formes pour n’en faire que des ombres. Il souriait moins et constata qu’il avait gardé le papier dans sa main et qu’il tenait en même tant la poignée de son guidon. Il déplia ce dernier, mais il faisait trop sombre pour y voir quoique ce soit. Après tout, il avait promis de le lire seulement rentré chez lui.

Il repartait. Il avait l’air joyeux et repensait à toute sa journée. Les blagues avec les copains qui lui avaient valu l’heure de retenue. Cette heure de retenue, quand il y repensa, fut une heure de pure angoisse. Sur la route il y avait surtout des champs. En cette saison, ils étaient en jachère. Il approchait d’un petit bois, la route le longeait pendant environ quatre kilomètres. Beaucoup auraient eu peur de longer cela en pleine nuit, mais Hugo savait qu’au bout se trouvait son village. En plus, il avait eu sa dose d’émotion pour aujourd’hui. Il pensait " que pourrait-il m’arriver maintenant ! ". Il continuait de pédaler en regardant bien le sol. Des nids de poule souvent l’embêtaient, car cela lui coupait sa cadence. Il jetait de temps à autre un coup d’œil au ciel, à la campagne et à la forêt. Il se dit " Tiens c’est bien calme le soir ". Mais c’était vrai et il commençait à s’en rendre compte. Il y avait un silence qui pesait sur la route. Il commença à devenir songeur. C’est vrai qu’il n’avait pas fait attention mais d’habitude il entendait le vent souffler dans les branches, qui se balançaient sous cet effet. Quelques oiseaux qui chantaient encore. Mais là rien de tout cela, même le vent qu’il sentait sur sa peau, il ne l’entendait pas. Il avala sa salive et accéléra. Il devait lui rester quelques km de route. La journée repassait dans sa tête. Il serrait les poings de toutes ses forces. La mâtinée où il faillit arriver en retard, les premiers cours qui comme d’habitude l’ennuyaient. La retenue qui lui avait été donnée le jour même en début d’après midi pour ses blagues avec ses camarades. Cette retenue, il pensait à ces deux filles dont il ne connaissait pas le nom. Il regarda sa main et des images vinrent à son esprit. Le visage des deux filles ténébreuses qui le fixaient. Son rythme s’accéléra. Son cœur battait son torse d’adolescent. Il l’entendait comme un tambour. Il se revoyait redescendre les marches chez Amélie, ressortir, l’embrasser mais quelque chose n’allait pas dans tout ça. Il eut l’impression que la fille en retenue, celle qui s’était fâchée contre l’autre, essayait de le prévenir. En repensant à elle, il ne voyait que les ténèbres, pourquoi ?. Il n’y avait eu qu’une sensation de silence. Les bureaux qui frottaient le sol permettaient de sortir de ce silence.

Hugo ouvrit grand les yeux en se remémorant sa venue chez Amélie. Il avait ressenti la même sensation que dans la salle de colle à un moment. Quand ?. Il cherchait en re - découpant chaque détail, son entrée, l’arrivée d'Amélie, sa mère, sa montée dans la chambre, la discussion. Rien ne lui sautait aux yeux, sauf… Il trembla et regarda sa main. C’est lorsqu’elle lui remit se papier qu’il l’avait ressenti. Il se revit descendre l’escalier suivi d'Amélie. " Oh mon Dieu !. S’écria-t-il tout haut. Les marches n’avaient fait aucun bruit quand ils étaient redescendus. D’ailleurs depuis qu’il détenait ce papier, il fixait la route comme hypnotisé de cette découverte. Alors qu’il progressait rapidement, il fut soudain ébloui par une lumière puissante. Il n’eut le temps que de mettre son bras gauche face à son visage et de pousser un cri aigu qui déchira le silence et fit fuir plusieurs volatiles. Le choc lui arracha la tête avec son membre qui le protégeait. Son corps fut projeté en l’air et atterrit dans le fossé. La roue avant du vélo passa sous le véhicule et se tordit dans un bruit sourd de métal. La voiture s’arrêta quelques mètres plus loin dans un crissement de pneu.

Les deux portières s’ouvrirent. Un homme et une femme en sortirent pour se diriger vers l’endroit où ils avaient entendu le bruit. " Tu penses que c’était quoi ?. Demanda la femme. " Je ne sais pas !. Donne-moi la torche !. La femme s’exécuta. Le faisceau de la lampe balayait la surface goudronnée. Les feux clignotaient derrière et projetaient l’ombre des deux personnes sur la route. Soudain, ils trouvèrent le vélo. La roue avant était complètement pliée. La chaîne avait sauté du pédalier qui était près du guidon à présent. La femme porta ses mains au visage et commença à s’écrier oh mon Dieu. L’homme continua, mais la peur le gagnait et ses jambes tremblaient. Il avançait lentement dans la pénombre. Il vit alors des traces de sang, alors qu’il maintenait la lumière sur le liquide rouge sombre, la femme éclata en sanglot et tomba au sol. Il remonta alors la trace suintante. Il détourna les yeux lorsqu’il se rendit compte qu’il se trouvait en face d’une tête complètement écrasée. L’os crânien avait sauté déversant des bouts de cervelle autour. Un bras gisait à quelques mètres de là dans le même état. Il se pencha en avant se retenant avec ses mains sur les cuisses. Il happait l’air, cette vision était insoutenable. Il décida tout de même de chercher le corps pour connaître l’identité de la personne.

" Appelle les pompiers au lieu de rester par terre !. Cria l’homme à sa femme. Elle se releva lentement et trottina vers la voiture en balançant ses bras. Son ombre dansait sur le corps de l’homme. Il se tourna et chercha sur le bord de la route. En quelques minutes il trouva une forme relativement épaisse pour se douter qu’il s’agissait du corps. Avec précaution il se glissa près de celui-ci. Une odeur puissante de sang lui prit le nez qu’il en fut obligé de remonter immédiatement la tête et de reprendre sa respiration. Il passa sa torche sur le corps et se rendit compte que le cadavre avait un sac à dos noir. Il vacilla en arrière et faillit glisser sur le sol devenu spongieux. Il se rattrapa en posant sa main sur le rebord du fossé. Il se dépêcha alors de remonter en soufflant de plus en plus fort.

" Tu as trouvé quelque chose ?. Chéri ?. L’homme revenait sur ses pas, vers les restes du vélo. La main tremblante, il dirigea la lampe vers celui-ci. Il resta fixé sur ce dernier et tomba à genoux et ne put retenir ses larmes. Il amena ses mains sur son visage et hurlait. Un hurlement étouffé dans une respiration courte, coupé par des sanglots. La torche éclairait le coté droit de son visage qui était couvert de la couleur pourpre. " Chéri ?. Demanda sa femme avant de s’effondrer à ses cotés en pleurs. Au loin on entendait les sirènes de l’ambulance.

" Un accident de voiture. Cracha la radio de l’ambulance. Nous sommes sur les lieux. Oui, un jeune qui s’est fait renverser. Mince on vient de m’apprendre que ce sont ses propres parents qui… Merde ! Oh put…! Oui, ils s’inquiétaient pour leur fils. C’est trop dur, dans l’état où il est ! Ah ! Il tenait quelque chose dans sa main droite. Un bout de papier. C’est écrit… Mince c’est plein de sang, on dirait deux prénoms… Ca y est, c’est écrit… Anna et Carrie.. "

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avatar contributeur de CalamityJane
CalamityJane
04/06/2025 à 22:56

Je découvre ton univers, j'ai lu certaines de tes histoires. Beau style. Avec cette histoire j'avais envie de savoir la fin. Comme @Tignouss, je ne souhaite pas les rencontrer🤣

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Marhaba
05/06/2025 à 02:44

Cette histoire est plus longue, mais finalement se lit très bien. Toujours autant de talent Montana 😉

Les fins de tes histoires sont toujours aussi surprenantes.

avatar contributeur de Rebelle32
Rebelle32
05/06/2025 à 16:01

Breu breu..c dommage il n y a pas Martine...

Humour...

avatar contributeur de Montana
Montana
05/06/2025 à 20:13 - 06/06/2025 à 20:07

Citation de Tignouss #533092

Merci beaucoup d'avoir apprécier mon histoire, c'est mieux de ne pas les rencontrés, on ne sais jamais.....

Citation de CalamityJane #533094

Merci d'avoir lu mon histoire et que mes autres textes tu as pu aussi les apprécier, en espérant que mes autres histoires te plairont tout autant.

Citation de Marhaba #533127

Oui mon histoire est très longue et beaucoup plus de personnages, je me suis lancé un défi. Merci beaucoup de l'avoir lu en entier. Je me réserve toujours pour la fin.....

😉

avatar contributeur de Blue Eyes
Blue Eyes
06/06/2025 à 12:52

Toujours autant de talent ! Waouh !

avatar contributeur de Montana
Montana
06/06/2025 à 20:05

Citation de Blue Eyes #533194

Merci d'avoir lu en entier mon histoire, en espérant que mes autres textes te plairont tout autant.

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