Première partie.
Charlotte,
S’il te plait, Charlotte, lis les mots qui vont suivre. Je n’ai pas arrêté d’essayer de t’appeler cet après-midi, tu ne m’as même pas laissé le temps de m’expliquer. Comme tu as dû débrancher ton téléphone, j’ai décidé de t’envoyer cette lettre. Je t’écris depuis la chambre de l’hôpital psychiatrique où l’on m’a interné aujourd’hui. Ca ne va pas du tout pour moi, il faut que tu m’écoutes, ne jette pas cette lettre avant d’avoir fini de la lire.
Si cette lettre est écrite au crayon-feutre c’est parce que les médecins ne veulent pas me donner de crayon à bille, ils ont peur que je me fasse du mal avec. Ils n’arrêtent pas de dire que je me suis automutilé cette nuit chez moi, mais çe n’est pas vrai. ils ne croient pas ce que je leur dis. Il y a un dix minutes, ils m’ont coupé les ongles tellement court que ça a saigné un peu. Ils disent que comme ça je ne pourrais pas m’infliger de griffures et d’écorchures supplémentaires. Le psychiatre a l’air de dire que je vis mal notre séparation.
Je ne veux pas rester ici. D’accord je ne vais pas bien, mais je suis sûr que je ne suis pas fou, et qui à part toi pourrait m’aider à me faire sortir de là ?. Tu es ma famille la plus proche depuis que mes parents sont décédés. Ça peut paraître un peu sordide ce que je vais te dire, mais tant qu’on a pas divorcé, s’il y a bien quelqu’un qui pourrait faire des démarches pour me sortir de là, c’est bien toi. Ecoute, si tu me fait sortir d’ici, je signe tout de suite les papiers du divorce. Ca va presque faire un mois maintenant que tu attends ça.
Je ne veux pas continuer à dégringoler comme ça. Si ça continue, et que je ne retourne pas travailler, je vais en plus perdre mon boulot. Déjà que ce mois-ci je n’y suis presque pas allé à cause de tout ça. En effet ces derniers temps il n’y a pas eu que notre séparation qui a été difficile, j’ai eu d’autres problèmes. Ca n’est pas évident à expliquer, et je ne sais pas comment te dire tout ce qui m’est arrivé, déjà que ces cons de toubibs ne veulent pas me croire, je me demande vraiment si tu me prendras aussi pour un fou, mais de toute façon au point où j’en suis.
Bon, depuis le début du mois, après le week-end de la toussaint, enfin disons plutôt suite à notre ultime dispute, j’ai fini par dénicher un petit appartement après trois nuits d’hôtels. Il était assez pourri, mais je pouvais le louer tout de suite. J'ai donc pris mon mercredi pour venir chercher mes affaires. Mais à ce moment-là étais tu obligée d’être aussi désagréable avec moi?. Tu savais que je passais, alors tu as vraiment fais exprès d’avoir déjà quelqu’un d’autre à la maison. Tu étais vraiment si pressée d’enterrer nos quinze ans de mariage ?. Le lendemain, je suis allé travailler, mais j’ai été voir Marc pour lui demander trois semaines de vacances, je me sentais beaucoup trop mal pour pouvoir travailler, avec tout ça j’avais besoin de me mettre au vert et de m’aérer l’esprit. Tu connais un peu Marc, je t’en ai déjà parlé, il est souvent assez chiant pour accorder les congés, mais j’ai fini par le faire céder. Donc arrivé le Jeudi soir je me retrouvais avec trois semaines de repos, j’avais trouvé une maison de vacances à louer dans un petit village en Savoie. Le lendemain midi je suis parti là-bas.
Les tout premiers jours se passèrent bien. L’air de la montagne, le calme, et loin de la ville, tout cela m’aidait à faire le point. Je passais mes journées à me promener dans la montagne, le soir j’allais dans le bistrot du bourg du village, et je me saoulais un petit peu avant de rentrer me coucher, je n’arrêtais pas de ressasser le passé, de penser à nous.
Durant la nuit du mardi au mercredi , je me suis réveillé en sursaut, j’ai poussé un cri tellement j’ai eu peur. Pendant mon sommeil j’ai eu l’impression qu’on me grattait sur le dessus de là tête. La sensation qui m’avait tiré du sommeil paraissait réelle, mais quand j’ai allumé la lumière, je n’ai rien vu, il n’y avait personne. Je suis resté une bonne demi heure, lumière allumée, allongé dans mon lit à regarder au plafond avant de me décider à me rendormir. Sur le moment je me suis juste dis que ma dépression me faisait des tours, je le croyais, mais plus maintenant.
Quatre nuit plus tard, je me suis réveillé en hurlant en plein milieu de la nuit pour la même raison. Je sentais qu’on me grattait sur le dessus du crâne. Je suis resté assis sur mon lit quelques minutes, je n’arrêtais pas de me dire que je perdais la boule. J’ai fini par allumer la télé et je me suis endormi devant. Au matin, les dessins animés pour enfant m’ont tiré du sommeil. A mon réveil, je me suis dit qu’il valait mieux que je ne consomme plus du tout d’alcools, fort de cette décision, je passai une bonne journée.
J'avais peur dans le noir, cela faisait partie des peurs d’enfants qui m’avaient quitté avec le temps. Mais à cause de la nuit précédente, le soir arrivé, je n’avais pas trop envie d’aller me coucher. J'avais surtout un peu peur. Une fois allongé, lumière éteinte, je me suis blotti dans les couvertures, je gardais les yeux bien clos, on aurait sûrement dit un enfant de quatre ans. Je finis par m’endormir, mais d’un sommeil léger, sûrement à cause de la peur, et elle n'a pas été sereine. A cause de cette crainte je dormis d’un sommeil agité, je me suis réveillé plusieurs fois au milieu de la nuit. Ce devait être la deuxième fois de la nuit que j’ouvrais l’œil, tout était plongé dans l’obscurité, on ne discernait qu’un léger trait de lumière à la jonction des volets qui laissaient filtrer un peu de la clarté de la lune. Au début, à moitié endormi, j’ai pensé que je devais être un peu pris à la gorge et que le son que j’entendais devait être le râle de ma respiration. Mais je respirais très bien, j’entendais à présent clairement le son, non pas d’un râle, mais d’un grognement, comme celui d’un chien prêt à attaquer. Il provenait d’à côté de la porte de la chambre. Je me blottis encore plus fort dans mes couvertures, j’avais peur de bouger. Le grognement s’intensifia. Pris alors de panique, dans un mouvement incontrôlé je projetai ma main sur l’interrupteur de ma lampe de chevet, et l'allumais. Le grognement s’arrêta aussitôt, il n’y avait rien dans la chambre. J’ai gardé les lumières allumées toute la nuit.
Il me fallut attendre jusqu’au petit matin avant de trouver le sommeil. J’ai dormi jusqu’en début d’après-midi, puis je suis allé au bistrot du coin. On était le dimanche et il y avait un match de foot qui passait à la télé. Du coup pleins de monde et ça me rassurait d’entendre le brouhaha tout autour de moi. Je me sentais en sécurité. J'ai pris un jus d'orange et je suis resté jusqu'au milieu de la nuit. Arrivé à la maison, je ne me sentais pas très rassuré, je laissais les lumières de la chambre allumées avant de m'étendre sur le lit. Le lendemain, il n’y avait rien eu de bizarre pendant la nuit.
Le soir venu je me suis endormi avec la lumière allumée, j’étais rassuré par la lumière. J’avais l’impression de retourner en enfance, mais entre laisser les lumières allumées et ne pas dormir, mon choix avait été vite fait.
Je me suis réveillé dans mon lit en hurlant, une douleur atroce au torse. J’étais plaqué sur le dos, on m’écrasait le ventre. La pièce était plongée dans le noir. La lumière, je ne savais comment, était éteinte. J’ai hurlé de douleur, mais aussi d’effroi. Ce qui était sur moi hurlait aussi, enfin, plutôt émettait une espèce de « grrrrr » grave et puissant, rien que d’y penser, j’en ai des frissons. Je ne voyais rien, juste une ombre aux contours indéfinis au-dessus de moi. J’ai tendu le bras et essayé plusieurs fois d’allumer la lampe de chevet, mais sans résultat. Ensuite, je ne sais pas comment j’ai fait pour me dégager, sûrement qu'avec la poussée d’adrénaline, j’ai réussi à m’échapper de l’étreinte. Je courus hors de la chambre, ce qui était maintenant derrière moi s’est mis à hurler encore plus fort. Ce truc m’a poursuivi, je l’entendais juste derrière moi. Au moment où j’ai allumé la lumière, ça hurla, le cri fut déchirant. Le temps que je fasse volte-face, le cri avait cessé et il n’y avait plus rien derrière moi.
Je suis retourné dans la chambre à la lumière du jour, j’ai compris pourquoi la lumière était éteinte quand c’était arrivé. La maison datait pas mal, et les fils électriques ne passaient pas par les murs, mais le long de la plinthe. Ils avaient été déchiquetés.
On était le mardi, j’avais encore devant moi un peu moins deux semaines de location de la petite maison de vacances, mais je ne voulais plus rester là. Franchement je ne savais pas ce qu’il y avait de bizarre dans ce village, mais je n’aurais pas voulu aller mener l’enquête auprès des habitants. Ils m’auraient sûrement prit pour un fou, et je ne serais de toute façon pas resté une nuit de plus dans ce patelin.
J’ai repris le bus puis le train le jour même. Plus je m’éloignais, mieux je me sentais. Toutes ces choses avaient eu lieu là-bas, et en partant, je les laissaient derrière moi. Franchement je ne cherchais plus trop à savoir si j’étais fou ou si c’était vrai, j’avais peur, et je voulais retrouver ma sécurité et ma sérénité. Au moins l’avantage était que notre rupture me tracassait du coup beaucoup moins.
Mais trois nuits plus tard ça a repris. Je commençais tout juste à penser à autre chose. Je m’étais réveillé de nouveau à cause du grognement près de moi dans mon lit. Là encore complètement paniqué j’ai allumé la lumière, et tout s’est arrêté. J’avais peur, mais ce qui me rendait malade était que je n’avais pas pensé que ça m’aurait poursuivi.
On était jeudi et j’étais toujours en vacances, ça valait mieux car je ne devais pas être beau à voir. Je n’avais pas dormi de tout le reste de la nuit, je suis restais juste assis sur le bord de mon matelas à me demander désespérément ce que je pouvais faire, et à qui je pourrais demander de l’aide. Plus j’y pensais et plus je pouvais constater que j’étais vraiment seul, je ne voyais personne en qui j’avais assez confiance pour lui déballer tous ces trucs de dingues. A part toi et les enfants j’ai vraiment l’impression que je n’ai plus grand monde que je connaisse bien et sur qui je puisse compter.
Pour la nuit suivante j’ai rallumé les lumières dans ma chambre, j’avais bien vérifié que le fil passait dans le mur, mais c’est le cas pour toutes les constructions d’aujourd’hui. J’avais vraiment peur de la nuit qui allait venir, je ne savais plus trop quoi faire, au final pour me rassurer un peu plus, j’ai scotché les interrupteurs dans ma chambre.
Durant la nuit je dormis par intermittence, à penser et à ressasser sans fin ce qui m’arrivait. Vers les quatre heures du matin, j’eus envie d’aller au toilette. Je me levais, ouvris la porte de ma chambre, entrai dans le couloir. Mon sang se glaça quand j’entendis le rugissement sourd sur ma droite, j’eus à peine le temps de bouger qu’une douleur fulgurante me fit hurler. Je bondis sur l’interrupteur, la lumière s’alluma, le même cri aigu de la dernière nuit dans la maison de campagne résonna, puis plus rien. Je suis resté assis sur le sol, adossé au mur, ma cuisse saignant lentement par la longue plaie que ça m’avait infligé. J’avais vraiment mal, et je me sentais complètement abasourdi par cette agression foudroyante que je venais de subir. Je me suis dit que les gens qui se font agresser dans la rue devaient ressentir un sentiment de dénuement avoisinant. Au bout de cing minutes je me suis décidé à aller dans la salle de bain pour soigner ma blessure.
La lumière n’était allumée que dans ma chambre quand c’était arrivé. J’en ai déduit que ça m’avait attendu, je ne l’avais vraiment pas vu venir quand ça m’avait sauté dessus. Au moins j’étais persuadé qu’à la lumière j’étais en sécurité. Après m’être désinfecté et bandé ma cuisse, j’ai bien pensé à appeler la police, mais pour leur dire quoi ?. Qu’un monstre me saute dessus quand je dors la nuit ?. J’ai failli aussi t’appeler à ce moment-là, j’aurais peut-être dû, mais je ne voulais pas empirer davantage la situation entre nous. Je te rassure, si aujourd’hui je t’écris, c’est pour demander ton aide.
Après réflexion, vu qu’à la lumière j’étais en sécurité, je suis allé acheter de gros rouleaux de scotche, j’ai allumé toutes les lumières de l’appartement et j’ai scotché les interrupteurs. Ca avait marché pour ma chambre, donc je me disais que ça marcherait aussi pour le reste de l’appartement, et j’avais raison.
De nouveau je dormis paisiblement. La première nuit, j’eus des craintes, mais il ne se passa rien, cela me rassura et je m’endormis assez sereinement les nuits suivantes. Mes congés touchaient doucement à leur fin. je commençais à me dire que j’avais peut-être un peu perdu la tête avec les agressions que je subissais la nuit. Je ne trouvais pas d’explication. J’ai failli t’appeler le week-end pour passer te voir. Mais je n’ai rien fait, je suis resté tranquillement chez moi tout le week-end, à attendre le lundi pour reprendre le travail. Je ne m’endormis pas trop tard le dimanche soir afin d’arriver en forme au boulot le lendemain..
Merci Shali, je te l'ais déjà dit, tu es et resteras ma plus grande fan. La deuxième partie de mon texte, tu n'attendras pas trop longtemps, sera pour demain soir et je sais que tu seras là avec impatience...... 😘
Cette fiction sous forme d'une lettre fictive est intéressante.
Mettre une telle histoire dans un contexte où le type n'est pas cru par le personnel de l'asile psy où il est.
C'est un classique dans la vraie vie , ce genre de situation mais malheureusement il y a un déni de la population générale concernant ce genre de chose et même au sein de certains membres de la profession.
Dans les faits , souvent le JLD (Juge des Libertés et de la Détention) se contente de prendre en compte les certifs médicaux et rien de plus. En France , il en est ainsi.
De plus , le JLD n'est pas spécialisé dans les affaires psychiatriques et donc dans les faits il ne vas pas prendre vraiment le temps d'écouter ce que dit le patient en général.
Le JLD ne s'occupe pas uniquement des affaires psys et donc il n'a pas le temps.
Le JLD est saisi uniquement dans les cas de soins sans consentements officialisés comme par exemple une mesure de SPDRE (Soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État) , SPDT (Soins psychiatriques à la demande d'un tiers) , SPPI (Soins Psychiatriques sans tiers en cas de Péril Imminent).
Je dis "soins sans consentements officialisés" parce qu'il existe aussi des mesures de soins sans consentements officieuses. Par exemple , signer une demande d'hospitalisation en soins libre sous la menace de soins sans consentements exercé par un psychiatre.
Pour sortir des soins sans consentements officialisées.
Il peut arriver qu'il y aient des chantages type "Faites une demande de curatelle et vous sortez".
Il existe aussi des "soins libres officielles et réelles" qui se transforment en "soins sans consentements de manière officielle et réelle".
Il existe également des "soins officiellement sans consentement étant de fait avec consentement" à cause du manque de place dans les services psychiatriques.
Citation de Montana #514169
Cette première partie est intéressante, je me demande si cet homme est fou.....Je vais lire la suite. Merci @Montana pour ce suspense 😊
Citation de Acha #521906
Merci beaucoup, si cette première partie ta plu. As tu trouver la deuxième partie ou tu es perdue dans les méandre de toutes mes histoires
Citation de Montana #521945
La deuxième partie s'intitule "La peur des ténèbres dans le noir." ; Je vais la lire.
Citation de Acha #521946
Tu as pu trouver sais bien. Je te souhaite une bonne et longue lecture