Jeanne d'Arc est-elle une icône queer ?
Publié le 04/09/2023 à 12:56 - Édité le 04/09/2023 à 12:59Jeanne d'Arc, la Pucelle d'Orléans, a longtemps été un symbole de la résistance française contre l'envahisseur anglais. Mais au fil du temps, elle est devenue une figure aux multiples facettes, adoptée et adaptée par divers groupes politiques et sociaux. Récemment, elle a même été ré-imaginée comme une icône queer. Comment cette héroïne nationale est-elle passée du statut de symbole d'extrême droite à celui d'égérie queer ?
Une figure historique politisée
Historiquement, Jeanne d'Arc a été récupérée par des mouvements politiques variés. Elle a été un symbole pour le Front National, actuellement Rassemblement National, et d'autres groupes d'extrême droite qui la voyaient comme l'incarnation de la défense de la France contre les envahisseurs. Maurice Barrès, écrivain et député antisémite, avait même proposé en 1920 une fête nationale en son honneur.
Une héroïne aux multiples visages
Mais Jeanne d'Arc n'est pas une figure monolithique. Elle a été célébrée par les royalistes, les républicains, et même par l'Église catholique qui l'a canonisée en 1920. Après la Seconde Guerre mondiale, elle est devenue une figure de la gauche, revendiquée par le communiste Maurice Thorez comme "cette paysanne de France abandonnée par son roi et brûlée par l'Église".
Jeanne d'Arc et le féminisme
Au fil du temps, Jeanne d'Arc a également été adoptée par des mouvements féministes. En 2016, les militantes de FEMEN ont revendiqué Jeanne comme un symbole féministe, luttant contre l'oppression masculine. Symbole de liberté, de l'émancipation des femmes face au pouvoir ultra dominant masculin de l'époque.
Le travestissement : Un acte révolutionnaire et pragmatique
Un aspect souvent négligé mais crucial de l'histoire de Jeanne d'Arc est son choix de s'habiller en homme. Ce travestissement n'était pas seulement une déclaration audacieuse d'indépendance et de non-conformité aux normes de genre de son époque, mais aussi une nécessité pragmatique pour aller au combat. Ce choix vestimentaire a été l'une des raisons invoquées pour sa condamnation à mort, soulignant la menace que représentait sa remise en question des rôles de genre pour l'ordre social de l'époque.
En plus de son choix vestimentaire, Jeanne d'Arc a également choisi de porter les cheveux courts, une décision qui a fait scandale à l'époque. Dans une société où la longueur des cheveux était souvent associée à la féminité et à la vertu, cette coupe était une autre manière pour Jeanne de défier les normes de genre et les attentes sociales. Ce choix, bien que pratique pour le combat, a également contribué à son image de rebelle et a été l'un des nombreux éléments qui ont alimenté la controverse autour de sa personne.
Une égérie queer ?
Plus récemment, la notion de Jeanne d'Arc en tant que figure queer a fait surface. La militante transgenre Leslie Feinberg avait émis l'idée d'une Jeanne "homosexuelle" ou "butch lesbienne". Kittredge Cherry, pasteure lesbienne et militante LGBT+, a également soutenu cette idée, soulignant que les examens de virginité de Jeanne n'avaient prouvé que son absence de "sexe pénétratif" avec un homme.
L'hypothèse de Jeanne d'Arc en tant que figure queer peut déranger, mais elle souligne la plasticité de cette héroïne nationale. Jeanne d'Arc, tour à tour populaire et royaliste, nationaliste et rebelle, n'a pas fini d'embraser les passions. Et si cette nouvelle incarnation peut aider à lutter contre l'homophobie et la transphobie, alors pourquoi pas ?
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