Quand les marches des fiertés investissent les campagnes
Publié le 23/06/2023 à 10:01 - Édité le 23/06/2023 à 10:06Se proclamant fièrement comme des "activistes ruraux LGBTQ+" ou des "queers de la campagne", une nouvelle vague de défenseurs des droits LGBTQ+ porte le message de la diversité et de l'inclusion dans les plus petits bourgs et même les villages. Le calendrier des marches des fiertés pour 2023 inclut désormais des localités de moins de 20 000 habitants, comme Lons-le-Saunier (Jura), Guéret (Creuse) ou Ancenis (Loire-Atlantique), aux côtés de grandes villes comme Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux ou Toulouse.
La lutte pour la visibilité LGBTQ+ dans les zones rurales
À Fécamp, une ville de 18 000 habitants en Seine-Maritime, 150 personnes ont participé le 11 juin à la première "Marche des Fiertés". Paul Fouache, 22 ans, qui a aidé à organiser l'événement, note que la communauté LGBTQ+ avait précédemment "aucune visibilité" dans la ville.
"Les mentalités évoluent", déclare le jeune activiste, membre du collectif "Rainbow'n'Caux". Ce collectif vise à rendre possible une "existence LGBTQ+ à Fécamp".
En Corse, une autre "Marche des Fiertés" a réuni environ 200 personnes à Bastia le 17 juin. Le même jour, 300 personnes ont défilé à Mende (Lozère), le chef-lieu du département le moins peuplé de France.
" Ici, il n'y a pas de bar gay, mais il n'y a pas non plus d'anonymat : tout le monde se connaît. Si quelqu'un participe à notre Marche des Fiertés, il doit s'attendre à ce que toute la Lozère le sache ", commente avec ironie Thomas Cruz, l'un des organisateurs.
Le sociologue Arnaud Alessandrin, spécialiste des questions de genre et d'identité sexuelle, affirme qu'il n'y a "jamais eu autant de Marches des Fiertés dans les petites villes et les campagnes". Cela est dû, selon lui, aux gays et lesbiennes qui ont vécu dans les grandes villes et qui ont transposé la nécessité d'une communauté et d'une visibilité en s'installant dans les zones rurales.
Le défi de l'homosexualité en milieu rural
La croyance courante est qu'il est plus facile de vivre son homosexualité dans une ville plutôt que dans des régions rurales supposées plus conservatrices. Mais la réalité est "plus nuancée", affirme Arnaud Alessandrin. Il fait observer que "dans les villes, l'espace public peut être discriminatoire". Les personnes LGBTQ+ y sont plus visibles et donc plus susceptibles d'être victimes d'insultes ou de violences.
Pour Flora Bolter, de l'Observatoire LGBTI+ de la Fondation Jean Jaurès, vivre son homosexualité à la campagne peut surtout être difficile pour les personnes "pas en couple, isolées, qui ne se sont pas fait connaître comme LGBT", car elles peuvent alors se "sentir seules au monde".
En revanche, "une fois que les gens s'affirment et vivent en couple, il n'y a pas de raison que ça se passe plus mal que dans les villes", ajoute-t-elle. Dans ce contexte, les "Marches des Fiertés" en milieu rural peuvent répondre aux "attentes des jeunes qui ont besoin de socialisation et de soutien", estime Mme Bolter.
En campagne l'homophobie est plus présente que dans les grandes villes
À la campagne, "l'homophobie existe", mais il peut être plus facile de déconstruire les idées reçues, analyse Léo (qui a choisi de ne pas révéler son nom de famille), l'un des organisateurs de la "Marche des Fiertés" qui se déroule depuis trois ans à Villefranche-de-Rouergue (Aveyron, 11.000 habitants).
Le collectif local LGBTQ+ y tient des stands sur les marchés pour engager le dialogue avec la population locale. "Certaines personnes sont mal informées, mais une discussion peut les amener à remettre en question leurs préjugés. Alors qu'en ville, les idées reçues sont souvent plus ancrées", estime le jeune militant.
Dans le Poitou, c'est le village de 450 habitants, Chenevelles, qui accueillera le 29 juillet la deuxième édition de ses "Fiertés rurales". Cette "Marche des Fiertés des campagnes", dont l'affiche arbore une balle de foin aux couleurs de l'arc-en-ciel, a pour but de "rendre les campagnes plus attrayantes pour les personnes LGBTQ+", qui aspirent à un mode de vie rural, selon les organisateurs.
" Les gens sont plus tolérants en milieu rural ", affirme le maire du village, Cyril Cibert, lui-même homosexuel. " Avec cet événement, nous célébrons la coexistence ", entre les militants LGBTQ+ et " les agriculteurs locaux ", se réjouit le maire. " Je comprends que certaines personnes puissent craindre le regard des autres, mais une journée comme celle-ci peut contribuer à changer les mentalités ", espère l'élu.
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